5 instants cultissimes de Roland-Garros
Une célébration célèbre, des mots déments, un service louche, un coeur sur le court et un geste de gentilhomme sont entrés dans la légende du tournoi
1 L’étreinte
L’image est dans nos têtes depuis ans. Celle d’un père courant vers son fils sur le central un dimanche de finale. C’est trop beau, c’est trop grand, c’est trop fort : Zacharie Noah saute de la tribune et se jette dans les bras de Yannick qui vient de gagner Roland-Garros. Ce ‘‘Papa !’’ qu’on voit jaillir des lèvres du vainqueur est le plus beau des cris du coeur. Les deux hommes se serrent. Ils sont seuls au monde. C’est l’une des étreintes les plus célèbres de l’histoire du sport. Une décharge de bonheur. Un instant de communion à la fois intense et intime mais partagé par tout un pays devant sa télé. « Je lui ai dit : ‘‘papa, on
a gagné !’’. Lui n’a pas sorti un mot », racontera le tombeur de Wilander. Quand l’émotion atteint l’inouï, les mots se font rares. Cette célébration a marqué Roland-Garros, les pères, les fils et les Français. C’était le juin . Aujourd’hui, Zacharie est mort et Yannick a ans. Mais ils sont toujours ensemble. Autrement.
2 Le discours
Il aurait pu ne jamais s’en remettre. Le juin , Henri Leconte joue et perd la seule finale de Grand Chelem de sa carrière, à Paris, face à Mats Wilander. Le rêve de succéder à Noah devient un cauchemar. ‘‘Riton’’ fait illusion au premier set avant de prendre une volée (-, -, -). Il a raté son match. Il va foirer son discours. Il n’a rien préparé. Ça s’entend. Son instinct est plus efficace sur le terrain que derrière un micro. Le gaucher n’a jamais été aussi gauche. En moins d’une minute, il bousille son parcours jusqu’à la finale et fusille sa complicité avec le public. Pire qu’une balle dans le pied, c’est un suicide en direct. « J’espère que maintenant vous avez un petit peu compris mon jeu » lâche-t-il. Cette phrase lui collera comme un sparadrap pendant trois ans. Trois années d’enfer, de brimades répétées, de moqueries en tout genre. Certains l’appellent même Henri Lecon. Il ne mérite pas ce lynchage collectif. En , la Coupe Davis remportée à Lyon réhabilitera un homme et son honneur.
3 La cuillère
C’est l’un des services les plus célèbres de l’histoire du tennis. Pas un ace de bûcheron, non, un service à la cuillère d’un autre temps. Un geste improbable, ébouriffant, fou. L’exploit est signé Michael Chang. Nous sommes en , un jour de es de finale. Un Américain de ans pousse le numéro mondial au e set. Ivan Lendl est une machine venue de l’Est qui déteste l’imprévu. Ça tombe mal, le petit Chang est imprévisible. Il est aussi fatigué. Au bras de fer, il a perdu. Il n’a plus de force, mais il a des idées. A -, /, il sert à la cuillère. Désarçonné, Lendl perdra le point et le match. Quelques jours plus tard, Chang, vainqueur d’Edberg, devient le plus jeune joueur à remporter Roland. Il a ans et mois. Le record tient toujours. « Je n’ai servi à la cuillère qu’une fois dans ma vie» , dira-t-il. On n’est pas près d’oublier.
4 Le coeur
Il fallait y penser. Le juin , Gustavo Kuerten se fait peur en e de finale face à Michael Russel, un Américain, e mondial. Le Brésilien sauve une balle de match et sa peau avant de s’imposer en cinq manches. Pour remercier le public parisien de son soutien et de son amour, il dessine un coeur sur le court et s’allonge à l’intérieur. L’image fait tilt. Elle fait aussi tour de la terre. C’est un coup de génie. Un morceau de légende. Quelques jours plus tard, ‘’Guga’’ refera ce geste sublime après sa victoire en finale face à Corretja. Depuis, le coeur de Kuerten bat sur central de Roland.
5 Le seigneur
La scène se déroule le juin sur le central. Pour sa première participation à Roland-Garros, un Suédois de ans fait rejouer la balle de match alors qu’il a son billet pour la finale en poche. Personne n’a jamais vu ça. L’arbitre s’incline, l’adversaire lui rend grâce, le public l’ovationne. Mats Wilander vient d’entrer dans l’histoire du tournoi. Deux jours plus tard, il entrera aussi au palmarès après sa victoire face à Guillermo Vilas. Mats le seigneur dira : « Je ne pouvais pas gagner comme ça. La balle de José Luis Clerc était bonne. Je l’appréciais. Ce geste était une évidence ».