Le maire sommé de s’expliquer à son procès, à Marseille
Au deuxième jour de son procès, Ferdinand Bernhard a dû longuement se justifier. Est-il responsable de confusions ou d’amalgames entre son mandat de maire et sa vie privée?
AZ 437 sur le cadastre. Le numéro de la parcelle achetée par Ferdinand Bernhard est le point de départ d’un interrogatoire marathon. Hier après-midi, à la barre du tribunal correctionnel de Marseille, il était question d’un projet immobilier personnel du maire de Sanary. Qui voulait faire construire, et a fait construire, plusieurs villas. En avril 2010, Ferdinand Bernhard achète pour 300 000 euros un terrain dans le quartier Beaucours, proche de l’avenue de la Marine, à 300 mètres de la mer. « Cette parcelle n’est pas desservie, le prix de vente tenant compte de l’enclavement », est-il mentionné dans l’acte de vente.
Désenclavement
« 200 euros le mètre carré, ce n’était pas un cadeau, du tout », persiste Ferdinand Bernhard, qui nie avoir obtenu un prix plus bas que le marché. « Il dit n’importe quoi alors ce notaire, il n’a rien compris. Il écrit le contraire de ce que vous êtes en train de nous démontrer », fuse la présidente du tribunal, Céline
Ballerini. Le désenclavement, le précédent propriétaire n’avait jamais réussi à l’obtenir, auprès d’aucun voisin. « Moi, j’y suis allé de façon beaucoup plus modeste », se targue le maire.
Célérité
Un peu plus tôt, la présidente s’était étonnée qu’un permis de construire soit déposé par Ferdinand Bernhard et instruit en mairie, cinq mois avant qu’il ne devienne effectivement propriétaire. « Il est normal de déposer un permis avant de signer. Si je n’ai pas le permis, je ne fais pas l’achat », raisonne le maire. Selon lui, il était normal aussi que le service de l’urbanisme fasse montre d’une grande célérité. « Toute personne peut demander des choses aux services, à l’architecte de la ville. On est là pour rendre service aux administrés .» « Ce n’est donc pas un privilège caricatural », suggère l’avocat de la défense Me Julien Pinelli. « Toute personne qui a un projet, je l’invite à se rapprocher des services municipaux .» Et, « ce n’est pas de la prise illégale d’intérêt ! »
Mais le tribunal l’interroge encore. « Une parcelle enclavée peut-elle se voir accorder un permis de construire ? » Le prévenu a sa réponse : « J’avais une servitude signée sous-seing privé .» Document non communiqué à l’époque, mais versé, depuis, à la procédure et qui n’est pas remis en cause sur le plan judiciaire. De même, l’authenticité du compromis de vente est reconnue. Le tribunal s’étonne tout de même que cet acte n’ait « jamais été enregistré dans les actes notariés ».
Utilité publique
Les travaux avaient commencé plusieurs mois avant l’achat du terrain ? Ferdinand Bernhard bénéficie d’une autorisation écrite de l’ancien propriétaire, ce qui rendait possible l’arrivée et l’entrée en action des engins de terrassement. Les questions du tribunal se concentrent alors sur le lancement d’une procédure de déclaration d’utilité publique, pour ouvrir une nouvelle voirie par expropriation, concourant au désenclavement de la parcelle du maire. « Mes prédécesseurs avaient déjà prévu de l’ouvrir », balaye Ferdinand
Bernhard qui est premier magistrat de Sanary depuis 1989. Plus encore, il dit : « Je n’ai aucun intérêt à ce que cette voie soit ouverte. Je n’en tire aucun avantage. » Il faut dire qu’entre-temps, d’autres voisins ont fini par lui accorder une servitude, signée devant notaire cette fois.
« Comme ça »
« On vous a rendu service manifestement », observe le procureur. « J’ai apprécié, ça s’est fait… comme ça .»Et Ferdinand Bernhard, d’un geste, écarte ses deux mains bien à plat. Sans difficulté, sans contrepartie. Le procureur relève encore que « le seul acte authentique [établissant le désenclavement] est signé en juillet 2010, donc postérieur » au permis de construire, au début des travaux et à l’acte d’achat (1). Debout, notes à la main, souvent bousculé, Ferdinand Bernhard a répondu point par point. Dernier jour d’audience ce mercredi. 1. Respectivement novembre décembre 2009 et avril 2010 2009,