Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’album hommage d’Emmanuelle à Guy Béart

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Deux disques, une vingtaine de morceaux et autant d’artistes pour raconter un homme. Guy Béart. Troubadour solitaire qui aura tout fait pour disparaîtr­e derrière ses chansons, l’auteur de L’Eau vive aurait-il apprécié ce tribute affichant doublement son patronyme ? Bousculant un peu la discrétion de ce père disparu il y a cinq ans, ses filles, Emmanuelle et Ève Béart, ont décidé de le remettre en lumière avec De Béart à Béart(s). Des « versions libres » signées Alain Souchon, Catherine Ringer, Maxime Le Forestier mais aussi Thomas Dutronc, Pomme ou Akhenaton. Une promenade musicale entre les styles et les génération­s qui ranime ce défenseur de la chanson comme « art majeur ». Un rappel en somme, avant la sortie d’une intégrale de Guy Béart au mois de septembre et la finalisati­on d’un documentai­re sur sa vie qu’Emmanuelle Béart est en train de tourner.

Vous préférez parler d’héritage que d’hommage ?

Quand notre père est mort, on a effectivem­ent eu entre les mains un héritage artistique dont ni ma soeur, qui fait des bijoux, ni moi, ne savions que faire. C’est Charles Aznavour qui nous a dit : “Il faut inventer des variations autour de Guy Béart”. Il est le parrain de ce disque et devait enregistre­r Il n’y a plus d’après mais il est mort quatre jours avant…

Le double album se clôt sur une version de Vous (C’est vous) par Christophe qui n’aura, lui non plus, pas eu le temps de voir sortir le disque…

C’est touchant, oui. Et l’histoire de cette chanson est très jolie. Mon père n’avait pas de fleurs pour son rendez-vous avec la mère de ma soeur, il a été dans un bar et lui a composé ça sur le comptoir… Une chanson très belle pour laquelle j’ai tout de suite pensé à Christophe. Il ne faisait jamais de tribute mais m’a répondu immédiatem­ent. La pureté de sa voix, le côté cristallin des arrangemen­ts, il y a quelque chose de très beau dans sa version. Ce qui me frappe, d’ailleurs, c’est qu’on a l’impression que tous ces artistes ont écrit ces chansons.

Vous leur avez demandé “une forme d’insolence et de respect” ?

Quand on aborde l’oeuvre de Béart, soit on le fait comme si on entrait au musée Grévin, soit on décoiffe un peu, on rhabille… Je voulais que les chansons de Guy puissent être trahies avec tendresse. La plus grande liberté je crois, c’est de passer de Qui suis-je ? à Qui sommes-nous ? : dans cette chanson, que mon père a mis dix ans à écrire, il traite de toutes les questions fondamenta­les qui le taraudaien­t, la quête d’identité, la fin des idéologies, le caractère provisoire des théories… Tout ça caractéris­ait aussi Akhenaton, ça me semblait évident et sa version est magnifique.

Quel portrait de Guy Béart dessinent ces chansons-là ?

Déjà, que notre père était un amoureux à perpétuité. Les femmes lui ont inspiré des airs de joie, de revanche, de souffrance, d’espérance… Ce qui est touchant aussi, c’est qu’elles paraissent souvent légères, ses chansons, pourtant elles portent en elles la conscience du monde dans lequel il vit et celle d’un péril à surmonter. Comme si elles détenaient un secret. Pour nous ses filles, c’est bouleversa­nt, parce qu’il était très pudique. Le fait que ses mots soient interprété­s par d’autres m’a fait les redécouvri­r.

Qu’avez-vous compris de lui ?

Tout ça. Que c’était un être en marge, qui a tracé sa route en dehors de tous les courants. Mon père a écrit cette chanson : “Le premier qui dit la vérité, il sera exécuté”, qui n’est pas sur le disque mais qui dit beaucoup. Celui qui arrive avec une vérité nouvelle risque d’être marginalis­é… Dans le fond, Guy Béart a été marginalis­é, de par sa nature, de par ses textes.

Mon père avait décidé de s’effacer pour que seule la poésie reste”

Ce qui l’a empêché d’occuper une place plus importante aujourd’hui ?

Je ne sais pas, parce que mon père avait décidé de s’effacer pour que seule la poésie reste. Sa joie, c’était de faire partie du quotidien des gens, d’être appris dans les écoles sans qu’on ne sache plus qui était l’auteur derrière. Il disait : “Je veux être un chanteur anonyme” . Le succès ne l’intéressai­t pas, donc il a eu la place qu’il a eu envie d’avoir. C’est nous qui n’avons pas accepté qu’à sa mort, notre père ne soit plus vraiment visible.

Vous avez une histoire particuliè­re avec le Var, quel lien gardez-vous avec le Sud ?

Je suis née à Gassin, j’ai un rapport “tripale” avec la région. C’est mon cordon ombilical. Les odeurs, la mer, me manquent, les mimosas. Je ne suis pas du tout une citadine. Je ne suis jamais devenue Parisienne, c’est étrange. Il n’y a rien à faire ! Je suis très attachée à Nice aussi, j’y avais tourné Le Héros de la famille [de Thierry Klifa, , ndlr] .Je viens régulièrem­ent dans la région. En secret, souvent !

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(Photo Sylvie Castioni) Emmanuelle Béart est également en train de réaliser un document sur la vie de son père : « Il ne s’est permis d’être chanteur qu’après la mort de ses parents… Brassens l’a découvert à Nice, d’ailleurs, mon père lui avait présenté ses premières chansons après un concert. »
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De Béart à Béart(s) Versions libres. (Polydor)

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