Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Une forme de romantisme noir »

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Le nouveau roman d’Olivier Adam devait paraître au début du mois de mai, il est finalement sorti un mois plus tard. Dans Les Roches rouges, estampillé “roman jeunes adultes”, mais qui s’adresse à tous, Olivier Adam alterne avec deux narrateurs qui utilisent le « je » : Leïla et Antoine. Ils sont amoureux. Mais elle a déjà un enfant et un mari violent, et lui a vécu un drame un an auparavant. Pour échapper à tout cela, ils choisissen­t de fuir ensemble. Une cavale qui les mène jusqu’à Agay, dans la maison familiale d’Antoine… En poussant la porte, Antoine découvre que sa soeur, Lise, occupe déjà la maison. Alors, peuton vraiment laisser sa vie derrière soi ? Nous avons appelé Olivier Adam pour en discuter…

Ce livre se déroule en grande partie sur la Côte d’Azur, à Agay…

C’est la troisième fois que je situe un roman ici. Je vis de nouveau à Paris et je partage mes échappées, pour travailler, pour les vacances, pour le plaisir, entre la Bretagne et Agay où je vais depuis vingt-cinq ans, dans la maison des grands-parents de ma compagne. Et uniquement hors saison, à l’automne, au printemps, en hiver, pendant les vacances scolaires. La Côte d’Azur en été, c’est juste impossible. Et avant, quand je n’avais pas d’enfant, j’avais la chance d’y séjourner pendant la meilleure période possible que sont les mois de mai, juin et septembre. C’est un lieu auquel je suis attaché depuis longtemps. La banlieue de Paris où j’ai grandi, la Bretagne et l’Estérel sont les trois géographie­s principale­s de mon écriture.

L’Estérel donne une tonalité très chaude au roman…

Je voulais qu’il y ait une parenthèse enchantée, même si Leïla et Antoine se savent extrêmemen­t menacés, savent qu’ils ne vont pas tenir longtemps, que quelque chose va leur tomber dessus… Mais j’aimais leur offrir cette halte régénérant­e par la beauté des lieux, la force des éléments, le soleil. Ils échappent chacun à ce qu’ils fuient. Il y a cette idée d’une grande lumière qui les inonde. Et aussi, mais c’est toujours comme ça quand je place mes livres dans le Sud, quelque chose qui dérive, du fait de la violence de cette lumière aussi, vers quelque chose proche du drame, de la fatalité, qui va bien avec ce décor. D’où ce mélange de lumière, de répit, de douceur et cette menace qui va finir dans le sang.

Il y a aussi beaucoup d’amour dans ce livre…

Le point de départ du livre ce sont des amoureux clandestin­s en cavale. Il y a une forme de romantisme noir. Elle fuit un homme violent, lui fuit sa propre culpabilit­é et va finalement tomber nez à nez avec ce qu’il fuit. Mais il y a quelque chose d’un élan amoureux qu’ils ne comprennen­t même pas euxmêmes très bien. Elle prend son fils avec elle, sans savoir si elle le sauve ou le met en danger. Et ce trio, face à la noirceur du monde, a quand même une espèce de foi : qu’il peut y avoir de l’amour même s’ils n’en ont pas toujours beaucoup reçu.

Comme une forme de résistance ?

Toujours. Mes personnage­s ne sont pas très bien armés, soit psychologi­quement soit socialemen­t, je les mets dans des situations difficiles et je regarde comment ils s’en sortent. Ce qui m’intéresse c’est cette volonté de résistance, de ne pas se laisser engloutir. Ils parent les coups, ils le font comme ils peuvent, mais ils le font, ils essaient d’aller vers une vie meilleure, même si c’est dangereux.

La violence est très présente également…

Il y a une déclinaiso­n de beaucoup de violences subies, et notamment subies par les femmes et l’expression, d’une manière ou d’une autre, d’une

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€. forme de brutalité, de violence et de domination du masculin. Leïla l’a subi de diverses manières : un père dur avec elle, l’emprise d’un adulte alors qu’elle était adolescent­e, puis d’un homme possessif, violent, pervers narcissiqu­e. Quand elle rencontre Antoine, c’est la première fois qu’un homme n’a aucune intention de lui faire du mal. Ça lui redonne une forme d’espoir en la possibilit­é d’autres rapports hommes/femmes avec une absence de domination et de brutalité. Le monde n’est pas peuplé que de porcs, mais il y en a beaucoup.

Le Côte d’Azur en été, c’est juste impossible”

Mais on se retrouve toujours face à ses responsabi­lités…

Du point de vue d’Antoine, tout cela est une forme d’expiation. Alors qu’il n’en a pas les moyens, et même si c’est par amour, la manière dont il va se mettre en danger, jusqu’au bout, et de manière irréversib­le, pour aider Leïla dans sa tentative de vivre une autre vie, c’est une manière de se pardonner à lui-même ce qu’il a fait par négligence, ce dont il est responsabl­e. Ce qui me plaisait c’est l’idée qu’il fuit pour échapper à son fardeau et qu’en ouvrant la porte en arrivant à Agay, il se retrouve face à ce fardeau. Sa culpabilit­é l’attend en chair et en os. Et on voit comment la verbalisat­ion, l’échange peut venir à bout de ce que le silence a encroûté. C’est tout le temps du pardon.

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Les Roches rouges. Olivier Adam. Éditions Robert Laffont, collection R.  pages. , version numérique ,

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