Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Au Malmont, l’héroïsme de Thibault gravé dans les coeurs

Ancien et actuel patron du garage du Malmont, Joaquim Duarté et Vincent Collart honorent la mémoire de leur collaborat­eur, qui a perdu la vie en essayant de sauver celle de son collègue

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Le visage de Vincent Collart se ferme subitement. Empli de tristesse, son regard s’attarde sur la photo de son jeune collègue Thibault, 19 ans, qui au cours de cette journée maudite du 15 juin a péri en essayant de lui sauver la vie. Un silence de plomb s’installe dans le bureau. Les souvenirs remontent à la surface. Les larmes, aussi. Et Vincent réalise un effort surhumain pour les contenir. « Son image restera à jamais gravée dans ma mémoire. Et dans mon coeur. Je ne peux pas oublier ce qu’il a fait pour moi, je ne l’oublierai jamais. Je vis avec », murmure le patron du garage du Malmont. « À l’époque, nous étions deux employés, se souvient-il. Thibault était en intérim et travaillai­t ici depuis un mois. Ce jour-là, lorsque le déluge a commencé à s’abattre, nous regardions l’eau couler. Impuissant­s. »

« Tout est allé très vite »

Sous leurs yeux, le boulevard de la Liberté se transforme alors en un violent torrent d’eau et de boue. Thibault et Vincent ont rapidement les pieds submergés. En quelques minutes seulement, une première voiture est emportée. S’élançant pour tenter de la rattraper, Vincent se retrouve piégé par les eaux. « Je n’ai pas eu le temps de réfléchir, tout est allé très vite, confie le garagiste. J’avais les jambes bloquées sous la voiture. En voulant me venir en aide, Thibault a été emporté à son tour et s’est retrouvé sous le véhicule devant moi. » L’homme poursuit, difficilem­ent : « Je l’ai attrapé par les jambes, j’ai tout fait pour qu’il garde la tête hors de l’eau. Mais cette dernière continuait à monter. » Inexorable­ment. N’y croyant plus, Vincent finit par être libéré quelques minutes plus tard. Mais pour Thibault, il est déjà trop tard. Le jeune homme, âgé d’à peine 19 ans, vient de succomber à la noyade. Aujourd’hui, dans le coeur de Vincent, il reste des traumatism­es. Et beaucoup de chagrin. Un chagrin éternel. L’homme le répète : «On ne peut pas oublier. »

« Dès qu’il pleut fort, j’ai la trouille »

Joaquim Duarté, qui tenait les rênes du garage à l’époque, n’était pas là lorsque le drame s’est noué. Parti « chercher des pièces pour une réparation » en début d’après-midi, il n’a pu rejoindre les lieux que bien plus tard dans la journée. « Quarante ans que j’étais installé à Draguignan, et je n’avais jamais vu ça, livre le Dracénois. On ne pouvait pas imaginer. » La désolation était telle que, depuis, Joaquim avoue être dans l’incapacité totale de visionner ne serait-ce qu’une photo ou une vidéo liée à ces événements. «Ça fait trop mal… J’ai beaucoup de peine à en parler. Mais je repense souvent à Thibault. Et dès qu’il pleut fort, je m’affole. J’ai la boule au ventre. Et une trouille pas possible. » « Bien sûr qu’on aimerait pouvoir changer le passé, reprend Vincent. On ne pensait pas que c’était possible. Ici, dans un secteur qui est pourtant en hauteur, on se croyait à l’abri. Pourtant, le destin en a décidé autrement. » Et entre les murs du garage du Malmont, qui portent encore les stigmates des inondation­s, le souvenir du jeune collègue disparu reste vif. « Thibault, notre héros. »

 ??  ?? Des traces d’eau sont encore visibles sur les murs du garage. Vincent Collart et Joaquim Duarté se souviennen­t d’un torrent de boue, de portes défoncées, de véhicules encastrés et, surtout, du courage dont a témoigné leur jeune collègue disparu. Matérielle­ment, le garage a mis plus de deux mois à se reconstrui­re. Mais psychologi­quement, une vie ne suffira pas pour reconstrui­re les esprits. À droite, le boulevard de la Liberté, où se situe le garage, dévasté par les flots le  juin .
Des traces d’eau sont encore visibles sur les murs du garage. Vincent Collart et Joaquim Duarté se souviennen­t d’un torrent de boue, de portes défoncées, de véhicules encastrés et, surtout, du courage dont a témoigné leur jeune collègue disparu. Matérielle­ment, le garage a mis plus de deux mois à se reconstrui­re. Mais psychologi­quement, une vie ne suffira pas pour reconstrui­re les esprits. À droite, le boulevard de la Liberté, où se situe le garage, dévasté par les flots le  juin .
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