Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Chef cuisinier à Draguignan, Patrice garde une pensée pour son ami disparu

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Dix ans après, l’émotion est encore palpable. Les yeux rougis, la gorge nouée, Patrice Beuns, chef cuisinier à la brasserie des Allées, peine à remettre des mots sur ses maux. « Je me souviens de ce mardi 15 juin comme si c’était hier, démarre-t-il, péniblemen­t. À la brasserie, le service de midi s’est déroulé normalemen­t. Mon collègue, Gilles, était en salle, et moi en cuisine. Puis, il s’est mis à pleuvoir. Et plus le temps défilait, plus la pluie redoublait. » Dans l’après-midi, alors que l’eau commence à monter dans les artères dracénoise­s, Gilles et Patrice quittent leur lieu de travail. Collègues, mais surtout amis, les deux hommes se donnent rendez-vous devant l’école où sont scolarisés leurs enfants. « Sauf qu’entre-temps, alors que j’étais en route, mon exfemme m’appelle et m’informe que notre fils n’est pas allé à l’école. J’ai donc fait demi-tour et, puisque j’habitais juste en face, je suis retourné au restaurant, qui n’a pas été épargné. »

« Ce mauvais souvenir se rappelle toujours à nous »

De son côté, après avoir fait quelques courses, Gilles récupère son fils à l’école et regagne son domicile. « Impossible de s’appeler le soir même, indique Patrice. Rien ne passait. Le lendemain matin, en ne le voyant pas arriver, alors qu’il était toujours très ponctuel, nous avons commencé à nous inquiéter. Et puis nous avons appris la nouvelle… » Sa voix diminue. L’homme a du mal à déglutir et chaque mot devient douloureux. Insupporta­ble. Mais, doucement, Patrice reprend : « Gilles était allé faire quelques courses, avant l’arrivée de ses beaux-parents le soir même. Une fois chez lui, sa priorité a été de faire rentrer son fils. Puis il est ressorti pour décharger ses courses. Emporté par les eaux, il s’est noyé sous sa voiture. » Un drame qui marquera à jamais la vie de Patrice. Et celle de ses camarades. « Personne ne mérite ça, glisse le patron de la brasserie, Yves Mauro. Au sein de l’équipe, la solidarité s’est renforcée, mais les angoisses sont apparues. Si un orage éclate le soir, je sais que ma nuit sera terminée avant même de commencer. On a beau essayer de ne pas y penser, mais ce mauvais souvenir se rappelle toujours à nous. Il est en nous. On ne peut plus rien y faire. »

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Patrice Beuns revient avec émotion sur ces tristes événements, qui ont coûté la vie à son collègue et ami, Gilles.

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