Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Après le pire, la destinée « On est toujours là, c’est déjà pas mal »

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Jean Bouzigues, 77 ans, et sa femme Yvette ont tout perdu lors du drame qui a aussi durement frappé la commune des Arcs-sur-Argens. Ce matin-là, le couple s’est préparé à notre visite. Sur la table du salon, une série de documents et photos qui reviennent sur les événements dramatique­s du 15 juin. « Vous voyez, nous habitions juste ici, rue du Saule, dans le village, pointe du doigt Jean sur une photo d’archive. En contrebas de la maison coule le Réal. » À côté de la maison, un pont avec deux petites buses pour l’écoulement des eaux. « C’est à cet endroit qu’il y a eu un bouchon. Tout un tas de troncs et autres branches a été charrié par le cours d’eau et s’est accumulé », détaille Jean. L’eau ne pouvait plus s’évacuer, « elle est montée jusqu’à 10 mètres de haut pour former un véritable lac ». Depuis, des aménagemen­ts ont été réalisés, tout a été refait.

« On a entendu un gros bruit »

Avant cela, autour de 15 heures, le couple est chez lui, devant la télévision. « Tout d’un coup, on a entendu un gros bruit. Ma femme m’a dit : “Il y a de l’orage” .Jeluiairép­ondu : “Non, ce n’est pas le tonnerre, ça”. C’était en fait le grand mur épais du voisin qui venait de s’écrouler. » À ce moment-là, on prévient Jean que sa voiture est en train d’être emportée, l’eau n’a pas encore envahi la maison. « Je me suis précipité vers mon véhicule, il commençait tout juste à bouger. Il y avait de l’eau jusqu’au siège, mais j’ai quand même réussi à le démarrer. » Il roule jusqu’à la caserne pour avertir les sapeurs-pompiers de la situation. « Ils étaient complèteme­nt débordés... » Puis il rentre chez lui et écarquille les yeux. «Je ne voyais plus la porte d’entrée, elle était sous l’eau... Je ne pouvais pas rentrer dans la maison. » Pendant ce temps-là, Yvette s’était réfugiée dans le grenier avec son chien. « Je l’ai aperçue par la fenêtre du grenier. Nous avions une maison de trois étages. L’eau est montée jusqu’au premier, soit à 5 mètres de hauteur. » Yvette a été surprise par la soudaineté de la montée de l’eau. « C’est arrivé d’un seul coup. La porte a été défoncée et l’eau s’est engouffrée. Alors je ne me suis pas posée de question, et me suis echappée dans les étages. » Dans la cave, l’eau fait remonter la cuve à mazout qui s’y trouvait, au point de percer le plafond qui donne sur la salle à manger. «Ily avait un gros trou... » Yvette passera la nuit au grenier. Jean est hébergé par sa fille.

« C’était l’apocalypse »

Le lendemain, le niveau de l’eau était descendu. « Ne restait que la boue et tout le reste... » Yvette était coincée. « Impossible d’ouvrir la porte qui donnait sur les étages, bloquée par tout un tas d’objets charriés. » Le couple finit par se rejoindre. Dehors, c’est le chaos. « Au petit matin, sur la place du Général-deGaulle, sous laquelle passe le Réal, c’était la désolation. Il y avait des voitures les unes sur les autres. D’autres encastrées dans les magasins. Restaurant­s, boulangeri­es...

Tous les commerces ont été inondés. C’était l’apocalypse. » Forcément, tout ça laisse des traces. « Encore aujourd’hui, quand il y a des orages, on n’est pas tranquille­s. On ne peut pas s’empêcher de penser que cela peut se reproduire. » D’autant plus que le couple s’est retrouvé à la rue, complèteme­nt démuni. « Meubles, papiers, photos... Nous n’avions plus rien, même plus un blouson à nous mettre... » La maison a été frappée par un arrêté de péril. «On n’a rien pu récupérer... On a tout perdu. Tout a été démoli puis reconstrui­t. » Alors la solidarité s’enclenche. Les soirs suivants, ils sont hébergés par leur ancienne propriétai­re. « Elle nous a laissé son logement pour deux ou trois nuits et est allée chez ses beaux-parents à Draguignan. C’était très gentil, mais un peu gênant... » De fil en aiguille, par connaissan­ce, ils trouvent rapidement l’appartemen­t dans lequel ils vivent toujours aujourd’hui. « L’appartemen­t était vide. On a récupéré des meubles ici et là. On nous en a donné, aussi. » Dix ans après, le drame est toujours dans leur esprit. Traumatisa­nt, mais pas au point de s’installer ailleurs. « Ça fait 30 ans que l’on vit ici, on s’y sent bien. On est arrivé à deux, et maintenant on est onze dans la famille... ». Et le couple de relativise­r sur ce qu’ils ont vécu : « On est toujours là, c’est déjà pas mal. »

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Aux Arcs-sur-Argens, Jean et Yvette Bouzigues ont tout perdu ce jour-là. L’eau est montée jusqu’au premier étage de leur maison de village située en bordure du Réal. Depuis, elle a été détruite.
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Le Réal en furie a causé des dégâts considérab­les aux Arcs-sur-Argens.
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La rivière a laissé des trous béants en centre-ville.

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