Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Doit suivre son cours... « On a recommencé notre vie ailleurs »

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Raymond et Pépita Pisi, respective­ment âgés de 85 et 80 ans, ont été expropriés sur la commune de La Motte. Le couple possède à l’époque une maison – aujourd’hui détruite –, construite non loin de la Nartuby, « à 17 mètres de hauteur au-dessus de la rivière », détaille Raymond. Cet après-midi-là, le couple va faire des courses à Trans-en-Provence. « Il s’est mis à pleuvoir beaucoup. L’eau remontait des égouts, les routes commençaie­nt à être inondées. Nous sommes rapidement rentrés chez nous. » Une fois chez eux, ils reçoivent un coup de fil d’amis ardéchois qui s’inquiétaie­nt des fortes pluies annoncées dans le Var. « Du coup, je suis sortie au fond du jardin observer d’en haut la rivière, poursuit Pépita. J’ai vu qu’il y avait beaucoup de débit dans la Nartuby, et que l’eau était boueuse. J’ai rappelé mes amis pour le leur dire. Et puis j’ai juste eu le temps de raccrocher que j’ai vu arriver une vague énorme. Elle venait des vignes qui surplombai­ent la maison. On a juste eu le temps de se barricader, et on a entendu les tables, les chaises, sur la terrasse valdinguer. L’eau commençait à rentrer par une porte-fenêtre que l’on a calfeutrée, et ça s’est arrêté. »

« Une vraie cascade »

Un véritable torrent d’eau commence à se déverser et à ruisseler sans discontinu­er sur leur terrain. « C’était une vraie cascade, avec une force impression­nante. » Le soir même, Raymond tente une sortie pour aller chercher des secours, le téléphone ne fonctionna­nt plus. « Mais je n’ai pas fait 50 mètres. Il y avait 50 cm d’eau sur la route J’ai rebroussé chemin. » Les Mottois montent alors à l’étage pour la nuit. « On entendait toujours le bruit de cette chute qui continuait à couler sur le terrain. On percevait aussi les sirènes de pompier. On se disait alors : “Ils vont venir nous chercher... ”» Sur son balcon, Raymond tente même d’attirer leur attention avec une lampe de poche. En vain.

« Ça fout la trouille... »

Au petit matin, quand il jette un oeil par la fenêtre, c’est la stupeur. Le terrain avait tout bonnement disparu. « Tout était parti dans la rivière. La terrasse de la maison était au bord du gouffre. » C’est l’affolement. « On avait vraiment peur que la maison tombe, d’autant que le sol du terrain était composé de tuf. Quand on voit ça, ça fout la trouille... » Un peu plus tard, les pompiers viendront les secourir. « Ils nous ont rapatrié chez une voisine. Nous sommes ensuite revenus pour récupérer ce que l’on pouvait. Les gendarmes et pompiers nous ont aidés, ils ont même démonté certains meubles. Des amis sont aussi venus nous épauler. Même des gens que l’on ne connaissai­t pas. Tous ont emmené ce qu’ils pouvaient chez eux, pour les stocker. L’entraide a été formidable. Ça nous a réchauffé le coeur. »

« On évite de repasser dans le quartier »

La voisine les hébergera une semaine, avant qu’ils ne s’installent dans une location au village jusqu’en octobre 2011. «Puisona réfléchi. On s’est dit que vu nos âges, vivre en appartemen­t serait sans doute plus judicieux. » Alors ils décident de s’expatrier à Fréjus, là où ils vivent toujours. «Depuis, il nous arrive de revenir à La Motte, mais on évite de repasser dans le quartier. On ne va même plus chez nos anciens voisins, ce sont eux qui viennent nous voir. » Forcément, la pilule a du mal à passer. Raymond confie avoir longtemps fait des cauchemars. « Je voyais ma fille dans l’eau et j’essayais de la sortir... » Et Pépita d’ajouter : « À chaque nouvelle inondation, tous ces souvenirs remontent et remuent. Même quand il pleut fort. C’est d’ailleurs pour ça que l’on s’est installé au 4e étage. » Toutes ces contrariét­és iront jusqu’à déclencher un AVC chez Raymond. « Le neurologue nous a expliqué que c’était sans doute tous ces tracas qui en étaient la cause. » Après coup, ils rejoindron­t les rangs de l’associatio­n pour la sécurité et la défense de la Nartuby (ASDN). « On a rencontré beaucoup de gens qui ont vécu bien pire... Nous, on a certes perdu notre maison. Mais on a recommencé notre vie ailleurs. »

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Les maisons situées au bord de la Nartuby ont été vouées à la destructio­n.
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La cascade qui a enseveli le terrain de Raymond et Pépita Pisi à La Motte.
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Raymond et Pépita Pisi ont perdu la maison qu’ils avaient faite construire à La Motte. Traumatisé­s, ils se sont depuis installés à Fréjus, dans un appartemen­t en hauteur, au e étage.

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