En pleine plaidoirie, la foudre s’abat sur le palais
Au palais de justice de Draguignan, la greffière Stéphanie Pisu n’a pas réussi à rejoindre son domicile. L’huissier Émile Balmelle a dormi dans la salle des délibérés avec une partie des jurés
Les années ont passé mais Stéphanie Pisu, 46 ans, greffière aux assises, et Émile Balmelle, 72 ans, ex-huissier de justice d’audience auprès du tribunal de grande instance, sont capables de raconter leur journée du 15 juin 2010 dans les moindres détails. La veille, au palais de justice, un procès s’ouvre aux assises pour une affaire de viol aggravé. «Le 14 juin, le procès se déroule normalement », raconte Émile Balmelle, huissier de 2002 à 2018 et ancien adjoint au commandant de la brigade de recherche de gendarmerie. « Le lendemain, le temps se dégrade, il pleut. À midi, la pluie est déjà très forte ».
Une explosion !
« Je me souviens de mon déjeuner avec la présidente dans un petit restaurant du coin. De retour, il y avait déjà 30 cm d’eau dans la rue. Nous étions en alerte orange », confirme Stéphanie Pisu. L’après-midi, l’audience reprend avec les plaidoiries de la partie civile, le réquisitoire de l’avocat général et, en dernier, la défense assurée par Me François Jurain. C’est vers la fin de sa plaidoirie que l’orage redouble d’intensité. « La pluie sur le skydome faisait un roulement de tambour, assourdissant. Il a fallu que je monte la sono presque à fond pour pouvoir entendre la plaidoirie. C’était insoutenable », assure Émile Balmelle. correctionnel. La présidente Anne Segond et les jurés s’installent. Les débats reprennent à la bougie. Me Jurain termine sa plaidoirie. La salle des délibérés devenue inexploitable côté cour d’assises, les jurés délibèrent sur le siège à la lampe électrique et à la bougie. La salle de correctionnelle se transforme en un huis clos. La fin de l’audience a lieu à 20 h 30. L’accusé
est condamné au maximum de la peine, 20 ans de réclusion. « Le procès terminé, il fallait envisager de rentrer… », poursuit Émile Balmelle. C’est à ce moment-là que des informations sont parvenues sur les routes coupées, notamment l’avenue Brossolette. « La prison était submergée. De l’autre côté, en direction de Transen-Provence, ce n’était pas mieux. Des jurés ont quand même voulu tenter, coûte que coûte, de rentrer chez eux. Ils y sont parvenus » ,indique l’ex-huissier. « La présidente avait donné des consignes, ils pouvaient dormir sur place. La procureure Mme DrouyAyral a pris en main l’organisation de la soirée », explique Stéphanie Pisu.
Une atmosphère pesante
La présidente, les assesseurs, la greffière, six des dix jurés et Émile Balmelle restent sur place. « Nous nous sommes répartis les fauteuils de la salle des délibérés pour passer la nuit ». Le détenu, sous main de justice, a dormi dans les geôles du palais. Rapidement, Danielle DrouyAyral et Philippe Guémas, au parquet, s’occupent du ravitaillement. « Mme Drouy-Ayral habitait en ville. Elle est allée à son domicile récupérer ce qu’elle pouvait », poursuit Stéphanie Pisu. La greffière, libérée en milieu d’aprèsmidi par sa hiérarchie pour récupérer son fils à l’école maternelle, n’est jamais parvenue à rejoindre son domicile. « Je n’avais aucune idée de la gravité de l’événement. Jamais je n’aurais imaginé ne pas rentrer chez moi », confie-t-elle. Finalement, elle trouvera refuge auprès d’une de ses collègues. De son côté, Émile Balmelle passe une nuit dans une atmosphère pesante à écouter les informations, craindre le pire pour ses proches. Le Dracénois recevra des nouvelles de son fils, secouru après de longues heures passées sur le toit d’un entrepôt de la zone d’activité à Saint-Hermentaire. « L’hélicoptère l’avait repéré, il est venu le récupérer au petit jour ». Le lendemain, aux premières lueurs du jour, alors que le soleil est de retour sur le palais de justice, l’huissier découvre, dehors, le désastre. « Des rues pleines de boues, des voitures noyées. C’était incroyable ! Inimaginable ». La vie de la juridiction reprendra rapidement son cours normal. Seule une affaire prévue du 16 au 18 juin 2010 fut renvoyée. Le prévenu n’a pas fait appel du verdict.
Les dômes s’ouvrent au plus fort de la pluie !”