Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Columbo la légende

Cette série, incontourn­able pendant près de vingt saisons, était incarnée par l’immense Peter Falk. Une oeuvre télévisuel­le en avance sur son temps

- MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

Quelle est la probabilit­é que l’imperméabl­e de Columbo se retrouve dans un couplet de l’album Les Princes de la Ville du groupe de rap français 113 ? A priori aucune, mais quand le groupe de Vitry-sur-Seine balance le son Hold-up, Peter Falk débarque sur les ondes : « J’suis postiché, j’ai les mêmes cheveux qu’Dalida, la barbe de Fidel Castro et un gros Beretta. La gabardine de Columbo, les lunettes d’Elton John et la dégaine distinguée des frères Dalton. » Voilà comment un lieutenant de la criminelle de Los Angeles pendant 69 épisodes se retrouve sur les ondes de Skyrock. Cela montre l’universali­té de ce flic pas comme les autres. C’est plutôt cocasse quand on se penche sur le CV de cet enquêteur atypique. Frank Columbo arbore un style unique avec ce que l’on peut appeler une coquetteri­e dans le regard (Peter Falk est borgne à la suite d’une tumeur à l’âge de 3 ans), un imperméabl­e beige, une coupe de cheveux à géométrie variable, une vieille Peugeot 507 et un basset – appelé le chien – qui tire la tronche. Il ne respire ni l’argent, ni le parfum. De temps en temps, il mâchouille un cigare. Ou ce qu’il en reste. Car oui, Columbo ne roule pas sur l’or, il gagne onze mille dollars par an, et n’aime pas trop le dépenser. Pour son vingt-cinquième anniversai­re de mariage, il envisage d’emmener sa femme faire du camping. Ça vous place un peu l’homme.

Inspirés par Fiodor Dostoïevsk­i

Rien ne semblait destiner ce personnage à la postérité. Et pourtant. La série créée par William Link et Richard Levinson s’étale sur 35 ans autour d’un même personnage, ce flic italo-américain sans dégaine friand d’oeufs brouillés et de chili con carne qu’il déguste avec des biscuits. Les auteurs se sont inspirés du personnage de Petrovitch dans Crime et Châtiment de Fiodor Dostoïevsk­i pour mettre au monde Columbo, tout en y apportant leur touche. Mais la force de Columbo tient aussi à sa constructi­on. L’originalit­é de la série réside dans le fa it que le spectateur connaît l’assassin dès le début de chaque épisode. L’intérêt est donc ailleurs : découvrir de quelle façon Columbo parviendra à démasquer le criminel. Et entre 1968 et 2003, la série va garder ce mécanisme bien huilé. On commence par la mise en scène du meurtre qui se veut parfait, et souvent le fait d’un intellectu­el à la puissance financière sans limite. Puis Columbo débarque, hirsute, et découvre un autre monde, souvent celui de l’opulence, de la richesse. Bref, il détonne. Columbo, c’est un peu l’avatar de la lutte des classes. Les puissants qui se sentent intouchabl­es face à ce lieutenant censé représente­r le prolétaria­t que l’on oppresse. C’est moins manichéen, sans doute, car Columbo reste surtout un flic rusé, malin, instinctif et faussement candide qui joue au chat et à la souris avec un meurtrier. Précurseur, la série va être la première à inviter des guests : Leonard Nimoy, Faye Dunaway, Martin Landau, Patrick McGoohan mais aussi John Cassavetes, un proche de Peter Falk. Tous joueront des meurtriers qui s’imaginaien­t intouchabl­es. Même Johnny Cash aura un rôle au milieu des années soixante-dix. Et derrière la caméra, là encore, de l’innovation puisqu’un jeune réalisateu­r y commencera sa carrière pour la réalisatio­n du pilote. Son nom ? Steven Spielberg. Du beau monde autour d’un Peter Falk, véritable phare de la série. La légende raconte que la série a si bien marché parce que Peter Falk avait beaucoup de Columbo. D’ailleurs, c’est Falk qui a ramené l’imperméabl­e beige sale. « Tu es sûr que ce n’est pas trop bien pour le personnage ? », aurait-il lancé au créateur William Link. Même s’il a eu une brillante carrière au cinéma, avec une nomination aux Oscars pour son rôle dans Murder, Inc., Peter Falk reste et restera Columbo. Un rôle qui va lui permettre de gratter quatre Emmy Awards, de passer à la postérité et de demeurer, encore aujourd’hui, un personnage culte d’une des séries les plus mythiques de l’histoire.

L’acteur mythique et son imper : quatre Emmy Awards

Columbo, dix-huit saisons.

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