S’il n’en reste qu’un...
Si Mauro Bianchi ne devait garder qu’un souvenir... Ou plutôt trois, puisqu’il s’agit d’une biographie familiale. Au terme de cet entretien fleuve, on a demandé à notre interlocuteur de faire un choix. Mission impossible ? Que nenni ! Comme d’habitude, les réponses fusent.
✔ AVEC LUCIEN : « Lui et moi, on a gagné une course internationale ensemble : les Km du Nürburgring, en . Je m’en rappelle comme si c’était hier. Au volant de l’Alpine A, j’avais creusé un écart énorme en début d’épreuve. Heureusement car Lucien souffrait d’un lumbago. Il n’était pas à %. Malgré la douleur, il avait réussi à préserver notre avantage jusqu’au bout. De quoi rendre Carlo Abarth vert de rage ! »
✔ SEUL AU VOLANT : « J’ai quand même tourné à plus de km/h de moyenne au Mans avec un moteur de chevaux (Alpine A, en , ndlr). Ce mur des , il n’avait été atteint pour la première fois que cinq ans auparavant. Par un pilote cravachant alors un bloc litres de chevaux... »
Donner sa parole aux parents, c’est sacré ” « L’histoire des Bianchi », par Chris Van de Wiele, Benoît Deliège Editions, 24x29 cm, 320 pages, plus de 600 photos, 60
✔ AVEC JULES : « Difficile de trancher. Allez, je vais dire le week-end à Dijon où il devient champion d’Europe de F (). La victoire synonyme de titre lui avait échappé de justesse lors de la course (e). Sur le podium, Jules tirait une tronche pas possible. Résultat : le lendemain, lors de la course , il part derrière (grille inversée) et gagne après avoir doublé tout le monde. Du pur Jules ! »
à ans. Décision ferme et définitive...
Oui, j’en ai fait la promesse à mes parents le jour de ses obsèques. Six mois plus tôt, sur le même circuit, j’avais échappé au pire de justesse (gravement brûlé après une violente sortie de piste dans le virage du Tertre Rouge en préambule de l’édition ). Encore sauvé par mon ange gardien ! A peine sorti de l’hôpital, je venais justement de reprendre le volant la veille. Et voilà que le malheur s’abat sur Lucien. En me rendant tout de suite à l’endroit de l’accident, au bout des Hunaudières, j’ai vu des images qui m’ont profondément marqué. J’étais anéanti. Donner sa parole aux parents, vous le savez, c’est sacré. Pas question de faire machine arrière ensuite...
Les trente dernière pages du livre sont consacrées à Jules. C’est vous qui les avez écrites ?
Oui, à la demande de l’auteur. Je l’ai fait très volontiers, même si la rédaction de l’ultime chapitre fut un exercice éprouvant. Le texte est paru tel quel. Chris Van de Wiele n’a pas changé une virgule.
Aujourd’hui, presque cinq ans après sa disparition, quel sentiment prédomine ? Toujours la colère générée par ce crash fatal contre une dépanneuse qui n’aurait jamais dû se produire ?
Non, je garde juste en moi la tristesse d’avoir perdu un garçon exceptionnel. Tous les gens qui le connaissaient se rappellent de ses qualités humaines et du talent du pilote. Très au dessus de la moyenne.
En pensant à lui, vous vous demandez parfois ce qu’il ferait en , où il serait ?
Pas la peine. Je sais qu’il porterait une combinaison rouge. Ferrari croyait en lui. C’était le premier membre de leur Driver Academy. Et le plus rapide. Pour moi, aucun doute, il aurait dû
€. En vente sur le site de l’association JB#17 (www.julesbianchi.fr) devenir champion du monde un jour.
Jules ferait donc équipe avec son filleul sportif, Charles Leclerc ?
Peut-être. Probablement. En quelque sorte, Charles a pris le relais. Il va là où Jules devait aller. Un certain mimétisme saute aux yeux, des similitudes dans le tempérament, le comportement en piste. Je l’ai vu débuter à Brignoles, aux côtés de mon fils Philippe et de Jules. Il a beaucoup appris, vite grandi. Son ascension fulgurante ne me surprend pas. Elle me fait plaisir car elle sonne un peu comme une revanche.
Vous suivez donc toujours la Formule ?
Oui, je regarde les Grands Prix. Et d’autres disciplines. Le sport auto n’a pas été été tendre avec les Bianchi. Il a emporté Lucien, puis Jules. Il m’a esquinté. Mais comme vous pouvez le constater en m’écoutant, à ans, la passion demeure intacte. Ma flamme ne s’est jamais éteinte.