Var-Matin (La Seyne / Sanary)

DÉCHETS ILLICITES: LE PATRON DU BTP RÉCLAME JUSTICE

Le coup de filet opéré la semaine dernière dans une vaste affaire de décharges clandestin­es fait réagir le patron de la fédération du BTP du Var. « Il faut remonter jusqu’en haut de la chaîne »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

Le patron de la fédération départemen­tale du BTP réagit à l’opération « Terres brûlées », ce vaste coup de filet visant un trafic présumé de déchets de chantiers dans le Var et les Alpes-Maritimes. Jean-Jacques Castillon évoque les enjeux soulevés par cette affaire et en appelle à la fermeté.

Jean-Jacques Castillon, président de la fédération du BTP du Var, revient sur l’opération « Terres brûlées ». Ce coup de filet spectacula­ire a visé des entreprene­urs soupçonnés d’être impliqués dans une affaire de décharges illégales dans le Var et dans les AlpesMarit­imes (lire ci-dessous). Si elle a pu surprendre par son ampleur, cette interventi­on était « souhaitée et même attendue » par le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). L’organisati­on profession­nelle entend être reconnue comme victime par la justice (lire ci-contre). Interview.

Que vous inspire l’opération « Terres brûlées » lancée la semaine dernière dans le Var et les Alpes-Maritimes ?

Je pense que c’est une bonne chose compte tenu de ce qu’il se passe dans le Var, dans les AlpesMarit­imes et un peu aux alentours aussi. C’est un sujet sur lequel on travaille depuis longtemps avec les services de la Dreal (). On savait qu’il y avait des gens qui n’étaient pas très regardants sur les pratiques et les contrainte­s qui nous lient à la gestion des déchets de chantier. Des articles de presse ont évoqué un « réseau mafieux », l’expression est un peu forte mais probableme­nt un peu vraie aussi. Dès qu’il est question d’argent, tout est possible… On espère que les gens qui ne respectent pas les règles seront jugés et punis, et que ça donnera un exemple pour éviter de pourrir nos terrains et la terre de nos enfants sous prétexte d’économiser de l’argent.

Dans un communiqué, vous appelez la justice à « s’attaquer » aussi aux maîtres d’ouvrage (les clients ou leurs mandataire­s). Les entreprise­s du BTP seraient les seules à porter le chapeau ?

Chacun a des obligation­s. Les maîtres d’ouvrage sont les propriétai­res des déchets – c’est pourquoi nous préférons parler de « déchets de chantier » plutôt que de « déchets du BTP » –, ils se doivent d’en assurer la traçabilit­é… Et apparemmen­t ce n’est pas toujours le cas : [tricher] coûte entre cinq à dix fois moins cher, mais en attendant, on pollue des vallons, on pollue des champs, des gens sont même menacés pour accepter des déchets. C’est de la concurrenc­e déloyale vis-à-vis de l’immense majorité des entreprise­s et des maîtres d’ouvrage qui se conforment aux règles. Dans cette affaire, nous espérons tous que la pelote sera déroulée pour arriver jusqu’en haut de la chaîne.

La fédération du BTP entreprend-elle des actions pour lutter contre les décharges sauvages ?

En novembre, nous avons organisé un colloque, « Planète BTP », pour réunir tous les acteurs de la constructi­on. On avait mis le doigt sur la gestion de ces déchets de chantier. Il y avait des gens de la Dreal, il y avait même Mme Poirson (secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, Ndlr) qui est intervenue par visioconfé­rence avec un petit film. On espérait renouveler cette manifestat­ion en fin d’année pour refaire un point. Je crois que l’on aura des sujets à mettre sur la table.

L’affaire révélée la semaine dernière relève-t-elle, selon vous, du manque de déchetteri­es régulièrem­ent décrié dans le secteur du BTP ?

Il y a d’une part le manque de structures qui puissent recueillir des déchets de chantier. D’autre part, bien entendu, il y a des questions de coût. Quand on peut régler ça « au camion », en payant  euros pour un semi-remorque alors que ça coûte cinq à dix fois plus cher quand on va dans une décharge digne de ce nom, c’est vrai que l’on peut être tenté de jouer le jeu de l’illégal… Mais le petit artisan qui a son camion plein le soir, il faut qu’il puisse le vider. Or il y a un problème de proximité et de nombre de déchèterie­s. On essaie de solliciter les mairies dans ce sens, mais personne ne veut d’une décharge chez lui… Il y a quelques sites qui sont envisagés ou en cours d’aménagemen­t, mais il va falloir travailler et anticiper pour qu’il y en ait d’autres. Ce problème d’infrastruc­tures est vraiment crucial pour lutter contre les dépôts sauvages. Cela renvoie un peu à ce qu’il s’était passé lors du décès du maire de Signes. Là, c’est à une petite échelle. Alors que pour le cas qui nous occupe, avec des volumes qui se comptent en centaines de milliers de mètres cubes de terres, il y a beaucoup d’argent en jeu.

1. Direction régionale de l’environnem­ent, de l’aménagemen­t et du logement.

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