Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« On s’enrichit toujours sur le dos de quelqu’un »

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Romain Sardou nous raconte, dans son douzième roman, une bien belle histoire d’aujourd’hui. La mayonnaise monte doucement, sans surchauffe – quoique – et ça tombe bien puisque la vengeance est un plat qui se mange froid. On retrouve les personnage­s de ses deux familles irlandaise­s, les Muir et les Bateman, qui ont fait fortune en Amérique. Les patriarche­s vont être confrontés à la jeune génération qui veut changer de vie ou de monde. Une vraie belle histoire avec de l’amour, des drames, des vengeances, des coups bas... Ce n’est pas vraiment un polar, ce n’est pas qu’un roman, c’est bien !

Vous appartenez à une famille qui compte de nombreux artistes. Pourquoi avoir choisi l’écriture ? Parce que c’était le seul créneau libre ?

(Rire) Je suis venu à l’écriture par la lecture car j’étais un enfant qui lisait beaucoup. J’adorais la littératur­e et l’histoire. Comme les enfants qui voient passer le camion des pompiers et veulent devenir pompier, moi je lisais des romans de Jules Verne ou de Walter Scott et donc j’ai eu envie de faire pareil. Mais avec l’idée de ne pas m’écarter de ma famille puisque j’avais l’impression que lire des romans, ou en écrire, c’était toujours faire du spectacle : j’aimais bien la dimension spectacula­ire de ces romans, sagas, thrillers... Cela m’a donné envie de raconter des histoires moi aussi. C’était pour moi comme une vocation.

Pendant cinq ans, vous n’avez rien publié. Mais qu’avez-vous fait pendant tout ce temps ?

Je le raconte dans une bande dessinée (). Écrire un livre prend du temps. En général, il me faut au moins un an et demi, quand tout se passe bien mais précédemme­nt je me suis lancé dans un livre qui ne s’est pas bien passé : je savais que cela m’arriverait un jour. Ce n’était pas le problème de la page blanche mais plutôt celui de la page noire : quand c’est écrit, les problèmes commencent. J’ai peiné pendant deux ans et demi sur un manuscrit, je l’ai finalement lâché pour en commencer un autre et je suis donc reparti pour deux ans. Ainsi, on arrive vite à cinq ans !

Quel est le point de départ de ce roman ?

C’est une citation de Balzac : “Derrière toutes les grandes richesses se cache forcément un grand crime”. Crime au sens large : on s’enrichit toujours sur le dos de quelqu’un. C’est frappant aujourd’hui où il y a des fortunes colossales qui se sont constituée­s, où l’on fait la promotion du riche dans notre société. Moi, ça me met mal à l’aise, je trouve qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Donc je me suis dit : “Je vais aller chercher le crime derrière la fortune.”

Vous évoquez en effet une Amérique très corrompue...

Ce livre est l’inverse de mes autres romans sur les États-Unis où je parlais des idéaux américains du début. Là, ces idéaux sont devenus aujourd’hui des slogans publicitai­res et politiques mais ils ne sont pas incarnés par le peuple américain. Il y a actuelleme­nt une crise d’identité dans tous nos pays. C’est sans doute lié à la mondialisa­tion : autrefois on marchait sur deux pieds, l’Europe et l’Amérique, et d’un coup il y a trois autres continents qui se réveillent. Dans le roman, il y a une femme qui incarne la nouvelle génération et qui dit “stop” aux magouilles... Oui voilà, c’est une femme qui ne se sent plus liée aux contingenc­es du passé, aux héritages, à la façon de faire d’avant. Quelque part ces genslà sont des justiciers. Mais d’une certaine manière elle le fait aussi pour le bien de son père.

Derrière toutes les grandes richesses se cache forcément un grand crime”

Votre prochain livre ?

Ce sera une histoire d’amour, une grande saga amoureuse. Les Muir et les Bateman reviendron­t plus tard. Mais pas dans ces cinq ans, je ne veux plus être confronté à ce genre de problème. Ça suffit ! (rire)

1. La BD est offerte avec le livre (attention nombre limité). Il a écrit le scénario avec son fils Gabriel, les dessins sont de Jacques Domon.

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