« C’est marrant de se mettre dans les pas d’une femme ou d’un voyou »
Dans son troisième polar, Après le jour, le patron de la Brigade antigang de Paris, déroule une enquête bourrée d’adrénaline, mêlant les points de vue de policiers et de voyous
près Les Loups blessés et Quelque part entre le bien et le mal, troisième polar pour Christophe Molmy, le patron de la BRI (brigade de recherche et d’intervention) de Paris. Après le jour c’est l’histoire de François Legal, qui, à sa sortie de prison, décide de se poser avec Diane, son amour depuis quinze ans et de commencer une vie « normale ». Mais tout ne va pas se passer comme il le prévoyait. Le grand banditisme le rattrape bien vite, les emmerdes aussi… Christophe Molmy nous plonge dans les coulisses (fictionnelles) d’une brigade parisienne et tout à la fois du grand banditisme. Et c’est tellement réaliste qu’on s’y croirait. Dans son métier premier, on connaît Christophe Molmy pour avoir arrêté et s’être battu à mains nues contre Antonio Ferrara après sa seconde (et spectaculaire) évasion de prison, et avoir dirigé les assauts de l’Hyper Cacher et du Bataclan… Droit de réserve oblige, nous ne nous sommes pas adressés au flic lors de cet entretien, mais à l’écrivain.
Prêt pour l’interrogatoire ?
(Il rit) Avec plaisir !
Comment est née cette envie d’écrire des polars ?
Ce n’est pas quelque chose qui est venu d’un seul coup. D’une manière ou d’une autre, j’ai toujours aimé écrire ou lire. Mais il y a une dizaine d’années, quand je lisais, et même si ce sont de très bons livres sur la forme, sur le fond je ne me reconnaissais pas dans ma boutique. Souvent, les histoires, les mécanismes d’enquête ne me semblaient pas crédibles. Alors, j’ai écrit Les Loups blessés, juste pour moi au départ. Je l’ai fait lire à un ami, qui l’a envoyé sans m’en parler à La Martinière qui m’a proposé de l’éditer, ce qui n’était pas nécessairement une fin en soi. Mais comme ça a marché, voilà le troisième. C’est une forme de défouloir, de catharsis. On arrive à évacuer des choses. Et puis, la police judiciaire est une passion, ça fait plaisir de la faire partager.
Comment est perçu, dans le milieu de la police, le fait que vous écriviez ?
C’est un droit, dès lors que ce sont des fictions. Je n’ai pas été spécialement encouragé mais je n’ai pas, non plus, été embêté.
Ce n’est pas schizophrénique de se glisser dans la peau de voyous ?
C’est cela qui est drôle. Dans mon premier roman, l’un des personnages principaux était un commissaire de police. J’étais gêné aux entournures parce que j’avais toujours peur qu’on pense que je parle de moi. Du coup, il n’y avait pas assez de chair sur les personnages. Alors, j’ai pris le contre-pied et dans le deuxième et le troisième, l’un des personnages qui tient le roman est une femme gardienne de la paix. Ça me libère complètement et ça m’a permis de donner plus de profondeur aux personnages. Et c’est justement marrant de se mettre dans les pas d’une femme, dans les pas d’un voyou.
Vous auriez pu être de « l’autre côté » ?
Non, je ne crois pas. Certains imaginent les deux côtés de la même pièce, mais, en réalité, comme tous les policiers que je connais, on a une éducation qui nous a conduits à respecter la loi. Et surtout, même si ce n’est pas toujours verbalisé, on a une vraie volonté de service public. Ça a du sens de travailler pour les autres. Si une fois, vous pouvez vous dire que vous avez sauvé une vie, c’est déjà pas mal… En soi, c’est un accomplissement.
Dans le livre, les voyous n’incarnent pas le mal absolu…
Chez les voyous, ça m’a choqué très tôt. Surtout dans le banditisme, où ce sont des professionnels. C’est moralement très condamnable, mais ils en font un métier. Et alors qu’ils sont braqueurs de fourgons, ils emmènent leurs gosses à l’école, sont très proches de leur femme, de leur mère. C’est pas si noir. Ça ne les absout pas du reste, mais c’est intéressant de comprendre ce qui les amène à faire ce qu’ils font, de se mettre dans leur tête sans, pour autant, leur chercher d’excuses.
Dans le livre, vous laissez penser que si François Legal avait retrouvé son amour, Diane, à sa sortie de prison, il aurait changé de vie…
Je pense. J’en ai connu qui sont sortis, qui ont reconstruit une vie affective, qui ont retrouvé un
€. boulot convenable. Ils ont réussi à s’écarter, à se reconstruire ailleurs. Il ne faut pas qu’ils restent dans le vivier sinon ils sont poussés et amenés à refaire des conneries. Il n’y en a pas des masses, mais il y en a qui s’en sortent. Et c’est heureux d’ailleurs. Mais pour ça, c’est comme tout, il faut un équilibre affectif, professionnel. Sinon, vous déraillez, et vous le faites à partir de vos propres repères de départ. Pour un braqueur, c’est braquer de nouveau.
Dans le roman, il y a une bascule, lorsque les braqueurs décident d’utiliser des armes…
C’est intéressant de se mettre dans leur tête sans, pour autant, leur chercher d’excuses”
La majorité ne sont pas idiots, ils savent que quand ils ont une arme et qu’ils montent avec, ils peuvent être confrontés à des policiers et être obligés de tirer, ils peuvent tuer. Et certains résonnent en termes de pénalité. Un casse avec des bombes lacrymo, c’est le tribunal correctionnel donc dix ans maximum. Avec une arme à la main, si ça dégénère, ce sont les assises et ça peut être trente ans ou perpèt’. Mais c’est effectivement une véritable étape de prendre une arme.
PAR NATHALIE RICCI