Asphalte, carbus et gros calibres
Si on vous demande de citer le dernier bon film d’action made in France que vous avez vu, il y a de fortes chances pour que la question reste un bon moment en suspens. Souffrant presque toujours de la comparaison avec les productions américaines ou asiatiques, nécessitant en règle générale de lourds moyens financiers, le genre a été délaissé depuis de nombreuses années. Alban Lenoir et Guillaume Pierret, eux, n’ont jamais lâché l’affaire, tellement impatients de renouer avec une forme de divertissement testostéronnée, tout en restant crédible sur le plan narratif. Le grand écran ne voulait pas de leur projet. Pas grave, il vient aujourd’hui enrichir le catalogue de Netflix.
Course contre la montre
Le duo Lenoir-Pierret a élaboré le scénario de Balle perdue à quatre mains. Puis Guillaume Pierret est passé derrière la caméra pour son premier long-métrage. Et Alban Lenoir, mâchoires serrées et corps tendu comme une arbalète, s’est glissé dans la peau de Lino, un génie de la mécanique en dehors des clous, mis sous les verrous après un casse à la voiture-bélier raté. Tout ça pour sauver la mise à Quentin (incarné par Rod Paradot), son « petit frère » de galère. Quelques mois plus tard, Charas (Ramzy Bedia), le chef d’une brigade policière, vient le voir avec un deal : si Lino parvient à préparer des bolides hors-norme pour son équipe spécialisée (dont deux membres joués par Nicolas Duvauchelle et Stéfi Celma) dans l’interception de go-fast, il pourra retrouver la liberté. Tout roule, jusqu’à ce que Lino se retrouve accusé injustement de meurtre. Une autre course, contre la montre cette fois, va démarrer pour lui, déterminé à prouver son innocence, en mettant la main sur cette fameuse balle perdue dont le titre fait mention.
Pied au plancher
Le film, essentiellement tourné dans l’Hérault, entre Sète, Frontignan et Marseillan, est une réussite. Les éléments dramatiques et les dialogues sont assez crédibles pour ne pas faire retomber le soufflé. Et les scènes d’action pure étonnent par leur dimension spectaculaire et authentique. « En dehors de quelques effets sur une scène d’explosion, tout a été tourné en conditions réelles. Et Alban a assuré un maximum de cascades. C’est impressionnant, ça fait penser à une époque où les réalisateurs se permettaient des trucs de fous, comme dans Peur sur la ville [de JeanPierre Melville, 1975, ndlr], par exemple », glisse d’emblée Rod Paradot lors d’un échange vidéo sur Zoom.
Croiser ici le jeune acteur, lauréat du César du meilleur espoir masculin pour son rôle de gamin écorché vif dans La Tête haute (d’Emmanuelle Bercot, 2015) et du Molière de la révélation masculine pour sa prestation dans Le Fils, une pièce de Florian Zeller, pourrait surprendre. Et cela semble plaire à l’intéressé. « Je veux tout jouer, ne pas me retrouver enfermé dans une case. Ce personnage de Quentin m’a plu. Il se met dans des situations compliquées, mais il est intelligent », poursuit le comédien âgé de vingt-cinq ans. Quentin n’est pas le pilier de l’intrigue. Mais cela ne tracasse pas Rod Paradot, au contraire. « Bien sûr que les seconds rôles m’intéressent aussi. Après le César, on ne m’a presque pas appelé pendant un an. Les producteurs et les réalisateurs devaient se dire que je n’accepterais pas de petits rôles. Mais tant que le projet me plaît, je suis preneur. Que ce soit un clip, un court-métrage, un téléfilm, une pièce, un sketch. » Le jeune acteur assure encore se considérer comme un débutant. Conscient d’avoir un « truc » différent et une certaine intensité, tout en étant désireux de grandir, encore et toujours. « Chez Ramzy, Nicolas Duvauchelle ou Alban Lenoir, il y a de l’expérience à prendre. Bien évidemment, ce sont des gens qui sont bien au-dessus de moi », lâche-t-il. « Mais en même temps, j’arrive aussi avec mon bagage, avec un truc qu’eux n’ont pas forcément. Chacun donne de l’énergie à l’autre, c’est là que ça devient beau. »
Demain lui appartient
Reste à savoir de quoi demain sera fait. Rod Paradot veut bouffer la vie à pleines dents, c’est une certitude. Cela n’empêche pas de se demander si sa « gamelle » n’a pas déjà été bien remplie. « Je ne veux pas m’arrêter là, je veux bosser à fond. Mais le César et le Molière sont arrivés tellement tôt que ce n’est pas facile, c’est une pression. Parfois, je me demande comment retrouver quelque chose d’aussi fort derrière. On fait un métier de dingues, c’est un mélange de plein de sentiments », sourit le natif de Stains (en Seine-Saint-Denis). Juste après notre conversation, Rod partait sur un plateau pour le tournage d’Umami No Tabi, avec Gérard Depardieu. De quoi aiguiser encore un peu plus l’appétit d’ogre du jeune homme.
Je veux tout jouer, ne pas me retrouver enfermé dans une case”