Rubirola et l’union de la gauche sonnent l’après-Gaudin
Plusieurs villes majeures, dont Lyon et Bordeaux, ont basculé hier soir dans le giron des Verts. LREM a raté ce scrutin, qui conforte globalement la mainmise de LR sur les communes françaises
Il était certes candidat sans étiquette. Edouard Philippe n’en est pas moins le cachemisère de LREM et de l’exécutif à l’issue de ces municipales. La nette confiance que lui ont accordée les Havrais édulcore symboliquement l’échec cuisant des marcheurs dans ce scrutin intenable pour eux, faute d’ancrage local. Comme toujours, de tous les côtés de l’échiquier politique, chacun trouvait hier soir matière à se réjouir, avec plus ou moins de pertinence.
La République en Marche dans les choux
La République en Marche savait, dès l’automne, que ces municipales ne seraient pas une sinécure. Elles ont, de fait, viré à la tannée. Le contexte national délicat et la gestion critiquée de l’épidémie n’ont fait que rajouter à une campagne qui est allée de Charybde en Scylla. Benjamin Griveaux puis Agnès Buzyn ont plombé l’espoir majeur du parti présidentiel, la capitale, tandis que les bisbilles lyonnaises puis la tentative maladroite de Gérard Collomb de sauver les meubles ont achevé de discréditer la soi-disant façon de faire de la politique autrement.
Poussée verte dans plusieurs grandes villes
Parce qu’ils détenaient peu de mairies jusqu’ici, hormis Grenoble, les écologistes peuvent légitimement pavoiser. Ils ont effectué hier soir une percée significative, en forme même de coup de tonnerre dans plusieurs grandes villes gagnées : Lyon, Bordeaux, Strasbourg,
Besançon, Poitiers, tandis que Lille a été ratée d’un cheveu. Ce n’est pas rien ! Dans la perspective de la présidentielle 2022 et d’une crédibilité nationale à démontrer, leur gestion va désormais être scrutée à la loupe durant deux ans.
Une France des communes qui reste à droite
Cette élection, du fait d’un grand nombre d’élus sortants, devait être pour Les Républicains celle du renouveau. Elle l’est globalement. LR a conservé la plupart de ses bastions, en a conquis quelques autres, et se retrouve aujourd’hui à la tête de près de 60 % des villes de plus de 9 000 habitants. Cette mainmise globale sur la France se teinte toutefois pour Les Républicains de quelques revers cinglants qui entachent le tableau : les pertes de Bordeaux et Marseille, sans compter la nette défaite de Rachida Dati à Paris, viennent ternir leur bonne tenue générale.
Perpignan nouveau vaisseau amiral du RN
Scrutin plutôt favorable pour le Rassemblement national au plan hexagonal. Il a conservé, souvent dès le premier tour comme à Fréjus, la plupart de ses bastions conquis en 2014. Hier, Louis Aliot a opéré la prise symbolique de Perpignan, ville de plus de 120 000 habitants qui va devenir du même coup le navire municipal amiral du parti. Bruay-la-Buissière, dans le Pas-de-Calais, Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, sont aussi tombés dans l’escarcelle du RN qui, en revanche, a perdu Le Luc dans le Var.
jeunes sont connus pour voter moins que le reste de la population, cela n’a pas arrangé les choses. Mais la crise sanitaire n’explique pas tout. Et on peut s’inquiéter, pour la démocratie, tout simplement, de ce que si peu de gens aient jugé bon d’oublier le chemin des urnes. Comment interpréter la faible participation autrement que comme un refus, tout simplement, de s’occuper de politique, même au moment, où, justement, la France entre dans une période particulièrement difficile ? C’est, en tout cas, une preuve supplémentaire que les électeurs ne font pas confiance à leurs élus : sans doute jugent-ils que leur influence est marginale dans le cours que prennent les choses, ou pensent-ils que, de toute façon, aucun ne fait mieux que l’autre, et que personne n’a d’influence sur le cours des évènements et sur les impulsions à apporter au pays ? Terrible constat, surtout après les espérances placées en sur celui qui devait tout changer, faire passer la France d’un ancien à un nouveau monde. Force est de conclure, qu’ancien ou nouveau, ce monde-là a cessé de passionner les Français. Dans ce désastre démocratique, car c’en est un, les Verts ont réussi une percée indéniable. Lyon, Bordeaux, Marseille, trois des plus grandes villes de France ont été arrachées par les écologistes aux maires sortants. Le maire de la cité phocéenne, Jean-Claude Gaudin, a vu ainsi mettre fin à ses vingt-cinq années de mandat ininterrompu, Gérard Collomb a dû abandonner la mairie dont il s’était longtemps cru inexpugnable depuis . Et le successeur d’Alain Juppé, allié in fine a La République en marche, ne régnera plus sur Bordeaux. Comme s’il s’agissait, à quelques exceptions près, d’un nouveau dégagisme. En , l’élection d’Emmanuel Macron avait marqué la volonté d’une majorité de Français de condamner les « vieux » partis politiques dont ils n’attendaient plus rien. C’est une réaction du même ordre qui, hier, explique la victoire des Verts aux municipales. Même si Édouard Philippe a gardé, haut la main, la mairie du Havre, même si Louis Aliot, en provenance du Rassemblement national, a conquis celle de Perpignan, même si Anne Hidalgo a gardé Paris, la montée des Verts est d’ampleur nationale. Beaucoup des têtes de listes vertes avaient recueilli, sur leurs listes, socialistes, communistes ou Insoumis qui derrière eux s’étaient faits discrets. En ce sens, le mouvement écologiste apparaît désormais comme le principal parti de l’opposition de gauche à Emmanuel Macron. Nouvelle équation difficile a résoudre pour le président de la République, au moment où il entend incarner lui-même une nouvelle écologie, plus propre à l’air du temps.