Jacques Piasenta
ntarissable ! Il enchaîne les souvenirs comme ses hurdlers franchissent les haies ou ses sprinteurs multiplient leurs courses. Son rythme est endiablé. Son débit, c’est du fractionné. Parti dans sa valse folle aux souvenirs, Jacques Piasenta, lancé, est inarrêtable. Quelques albums photos sous le bras témoignent, images à l’appui, de son implication pour la cause. Les courses (des séries aux finales), les chronos (de simples séances d’entraînement aux sommets olympiques) sont enregistrés dans sa mémoire, son disque dur qui ne connaît pas de bug. Avec force détails et autres anecdotes - parfois croustillantes -, il relate avec passion un demi-siècle d’athlétisme, et pas moins de sept Jeux Olympiques à son actif, de Montréal () à Sydney () en passant successivement par Moscou, Los Angeles, Séoul, Barcelone et Atlanta. Dans cette gigantesque armoire à souvenirs, nous avons, à contrecoeur, été contraints de trier, classer, sélectionner, réduire, pour ne finalement retenir que quelques chapitres d’une oeuvre de plusieurs tomes.
« J’avais fait le tour de la question »
I« Au terme du 4x100 féminin, à Sydney, j’ai annoncé mettre fin à ma carrière. Personne n’était au courant, pas même mon épouse (la Toulonnaise Michèle Chardonnet, médaille de bronze aux 100 mètres haies en 84 lors des JO de Los Angeles après une photo finish « historique »). J’avais fait mon temps et le tour de la question, rappelle-t-il le regard un brin nostalgique. J’ai eu une belle carrière, même si ce ne fut pas un long fleuve tranquille. » « Pia » prendra encore malgré tout en charge quelques athlètes du côté du stade Scaglia, à La Seyne, avant de devenir un observateur averti des choses du sport en général, de l’athlétisme en particulier.
Caméra au poing, vidéo au point
De 1976 à 2000, caméra au poing, il a arpenté tous les stades de la planète, approché les meilleurs mondiaux, entraîné les meilleurs Tricolores des deux sexes, sans jamais recruter qui que ce soit. Ce professeur agrégé d’éducation physique et sportive est avant tout un passionné. Ancien champion de France junior du saut à la perche, il a été contraint d’arrêter sa prometteuse carrière sur blessure (il avait réussi les minima olympiques pour Mexico en 1968). Il avait à peine 25 ans.
« Une vache de réussite »
Reconverti, il passera de l’autre côté, à la corde, jamais loin de la cloche. Depuis, il a fait gagner des titres à foison ; champions de France, d’Europe et du monde, sans compter l’or olympique. Il était déjà au côté de Guy Drut pour son sacre sur 110 m haies dans la capitale québécoise, il y a 44 ans. Il était encore là, dans la capitale catalane (1 992), accompagnant Marie-José Pérec sur le tour de piste, ou encore à Atlanta, quatre ans plus tard pour son doublé 200 et 400 m. Une carrière riche, pleine, exaltante, un parcours atypique fait de travail, de solidarité et d’humilité, le tout saupoudré d’enthousiasme et d’abnégation. Regardant furtivement dans le rétro, il déclare : « J’ai eu une vache de réussite. » Cette réussite, il a su la mettre de son côté et surtout, l’inculquer à ses protégé (e) s avec soin.
Christine Arron n’est pas un Ovni. C’est une stakhanoviste de la piste ”
« Plus chêne que roseau »
Précis, incisif, parfois mordant, ses interventions sont ciselées, quitte à connaître quelques démêlés avec une hiérarchie tatillonne. Discret sur les noms des pseudospécialistes « es malchance », reconnaissant envers tous ces gens qu’il a croisés sur la planète « athlétisme » (nombre d’entre eux sont devenus ses amis), le cinéaste-entraîneur n’est pas homme à composer. Il préfère les actes et les résultats aux théories et aux pensums formatés. Pas plus que les compromis, la bien-pensance n’est pas son fort. « Plus chêne que roseau », comme il se définit lui-même, ce sorcier de l’athlétisme, un temps méprisé à cause de ses origines modestes, exècre l’hypocrisie et l’injustice. Et a su sauter les obstacles mis sur sa route tout au long de sa carrière de coach, jalousée car jalonnée de succès.
De cette vie rêvée devenue réalité, ce fanatique de la transmission et de l’échange n’a pas regretté d’avoir tiré sa révérence, même si elle fut prématurée, selon nombre de ses poulains.
« Mon angoisse : le dopage »
Pour entrer dans le groupe de Pia, les athlètes avaient obligation de signer une charte de bonne conduite avec, en tout premier lieu, un engagement sur le dopage, sa principale angoisse.