Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les groupies du vibraphoni­ste

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On était impatient d’échanger avec cette légende, chantre du jazz fusion et influence majeure pour la scène hip-hop des années 1980-1990. Le rendez-vous était pris, la communicat­ion avec les États-Unis établie. Malheureus­ement, ce jour-là et les suivants, l’artiste âgé de soixantedi­x-neuf ans n’avait pas les idées claires. Sa fille, Ayana, se chargera finalement de lui poser nos questions. Roy Ayers se rappelle avec enthousias­me de la naissance de sa passion pour le vibraphone : « Ma mère m’a emmené à un concert de Lionel Hampton quand j’avais cinq ans. À la fin du spectacle, il marchait dans l’allée et ma mère disait qu’il avait remarqué à quel point j’étais excité. Il m’a offert une paire de maillets. Ma mère me racontait qu’il m’avait transmis une sorte de vibration spirituell­e. » Lorsqu’on évoque African Sounds, le dernier titre figurant sur Jazz Is Dead 002, l’album qu’il a enregistré avec Adrian Younge, producteur pour Jay-Z, Kendrick Lamar, Snoop Dogg, ou encore le Wu-Tang Clan, et Ali Shaheed Muhammad, ancien membre du groupe de rap A Tribe Called Quest, Mister Ayers est tout aussi loquace. Il faut dire que le titre, où Younge fait du spoken-word avec l’appui de son vibraphone en arrière-plan, a une résonance particuliè­re après la mort de George Floyd et la révolte du mouvement Black Lives Matter. Les paroles disent notamment : « Nous avons le choix d’utiliser nos couleurs et notre son pour rebondir contre la haine, pour contourner l’illusion vue à travers les nuances brumeuses d’Amérique. » « Je pense qu’il est extrêmemen­t important que nous prenions position contre la brutalité policière. J’applaudis les jeunes gens qui exercent leurs droits, c’est maintenant aussi leur combat. C’est tragique de voir que des Noirs sont encore tués par ceux qui ont juré d’assurer la protection de tous », estime Ayers.

Rétrofutur­iste

Au-delà de cette lutte sociale, on voulait que le septuagéna­ire nous parle aussi de l’enregistre­ment de Jazz is Dead 002, à Los Angeles. Peine perdue, tous ses souvenirs se sont envolés. Le musicien est pourtant toujours inspiré et désireux de reprendre la route des concerts quand ce sera à nouveau possible. Ce projet auquel il a participé, c’est sans doute avant tout celui de

Younge et Muhammad, désireux de mettre en lumière l’une de leurs idoles, en mêlant leurs sonorités modernes à des vestiges old school, au sein d’une série de disques nommée Jazz Is Dead. Roy Ayers est crédité comme co-auteur des huit morceaux et il joue sur sept d’entre eux. Sa patte est là, c’est certain, même si le mix place souvent sa voix un peu en retrait. Quoi qu’il en soit, l’écoute reste très agréable, avec ce groove soyeux caractéris­ant Everybody Loves The Sunshine, son morceau le plus marquant, et qu’on retrouve ici sur Gravity ou Synchroniz­e Vibration. Certaines pistes, plus orientées vers une soul psychédéli­que, semblent s’étirer et se mélangent, comme dans un rêve un peu vague (Shadows Of The East, Soulful And Unique). Et African Sounds fait penser à la rage lettrée d’un Gil ScottHeron.

Groove soyeux et soul onirique

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(DR) « Je pense qu’il est extrêmemen­t important que nous prenions position contre la brutalité policière. »
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