Il y a 48 ans, la fin de la French Connection
De 1938 à 1972, implantés dans des villas de l’arrière-pays provençal, secteur très prisé des trafiquants marseillais, les labos clandestins de fabrication d’héroïne tournèrent à plein régime
Il y a quarante-huit ans, le 15 juillet 1972, un laboratoire de fabrication d’héroïne en cours d’installation dans un cabanon de Saint-Cyr était fortuitement démantelé. La French Connection, filière mondiale d’approvisionnement en héroïne, vivait ses dernières heures. Avec cet ultime fait d’armes (voir encadré), les gendarmes mettent alors un quasi point final à la transformation clandestine de la morphine en héroïne dans l’arrière-pays provençal. Avec ses habitations clairsemées, le secteur est de longue date très prisé des trafiquants marseillais, qui plébiscitent l’anonymat et la tranquillité. Et ce, depuis au moins le célèbre duo formé par François Spirito et Paul Carbone qui régna sur le milieu marseillais des années 1930-1940 en ayant la main sur la prostitution, le racket et les trafics d’opium puis d’héroïne marseillaise.
Les frasques de Carbone et Spirito à Bandol
C’est à Bandol que tout commence. Trente-quatre ans avant l’affaire de Saint-Cyr. Dans la station balnéaire réputée, que les deux associés marseillais aiment fréquenter et où ils défraient d’ailleurs la chronique, la police démantèle un premier laboratoire clandestin de fabrication de drogue en 1938. « Il fonctionnait dans l’arrière-pays, relate l’écrivain bandolais Jean-Louis Schneider, qui écrit actuellement un roman policier sur cette période de l’aprèsguerre à Marseille . En septembre 1938, Spirito et Carbone furent même mêlés à une rixe dans un dancing de Bandol. » L’altercation se solda par une bagarre et une course-poursuite avec le commissaire de police en vacances dont ils avaient importuné l’épouse. C’est à Bandol, toujours, que le 29 août 1969 l’émotion et l’emballement médiatique soulevé par la mort de Martine, une jeune fille de 17 ans décédée d’une overdose d’héroïne dans les toilettes du casino et dont les bras portent de nombreuses traces de piqûres, déclenche une prise de conscience morale nationale qui conduira au vote de la loi prohibitionniste de 1970.
Entre Saint-Cyr et La Ciotat, dans la soirée du 14 juillet 1972, c’est une autre scène qui se joue : une patrouille de gendarmerie interpelle quatre individus occupés à transporter de mystérieux paquets d’un camion dans une estafette, au bord d’un chemin étroit, rapporte le quotidien Le Monde dans son édition du 18 juillet 1972.
Le plus gros labo à Saint-Cyr
Les gendarmes pensent qu’ils ont affaire à des trafiquants d’alcool. Une fouille met au jour des fûts d’acétone. « Nous transférons le contenu du camion dans un cabanon voisin », expliquent les quatre hommes aux gendarmes qui les entendent dans les locaux de la brigade. Le lendemain, lors d’une perquisition menée avec les douaniers et les inspecteurs du SRPJ de Marseille, qui seront félicités par Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur, ils découvrent un équipement complet de fabrication d’héroïne. D’après les enquêteurs, ce laboratoire, a priori en cours de transfert, peut-être depuis Lyon, pourrait être le plus important découvert en France jusqu’ici. Les quatre individus ont été déférés le
18 juillet devant le procureur de la République de Toulon. La French Connection vivait ses derniers soubresauts. Sources : Le Monde, édition du 18 juillet
1972 ; La French Connection, entre mythes et réalités, Alexandre Marchant
dans Vingtième Siècle. Revue d’histoire 2012/3 (N° 115), L’héroïne à Marseille histoire et mémoire de la diffusion des usages et des trafics, Claire Duport (dir.), rapport de recherche, juin 2016, Gallica, Wikipedia.