Il y a ans, Thomas Estienne alluma les fourneaux
Grâce aux descendants des premiers propriétaires, dont certains membres de la famille entretiennent toujours la mémoire des lieux (1), l’histoire du Père Louis reste relativement bien documentée. Les traces d’un établissement servant à manger et à boire du côté de Balaguier remontent ainsi à 1790. C’est alors Thomas Estienne, ainsi que ses fils André et Jean – ou Louis, de son deuxième prénom – qui y servent le poisson fraîchement pêché et le produit de leurs vignes. Sur ce bord de mer bien protégé du mistral et bordé de cabanes de pêcheurs, la guinguette est prisée des garnisons des forts alentour. De génération en génération, la famille Estienne va poursuivre son oeuvre culinaire ; Ambroise le « restaurateur » prenant la suite de son père Louis, le « cabaretier ». Avec la transformation de Tamaris opérée par Michel Pacha, les touristes se pressent dans le restaurant qui, bientôt, retrouve un autre Louis : le quatrième fils d’Ambroise, patronpêcheur et chargé d’approvisionner le restaurant.
Un livre d’or et de célèbres signatures
C’est son fils Marius qui, en 1919, reprendra à son tour l’affaire.
Jusqu’à sa mort en 1954, Marius, qui appartient à la quatrième génération des descendants de Thomas, va contribuer à faire grandir la renommée du restaurant. On venait, dit-on, de Toulon et de Marseille y déjeuner. Mais sa réputation se fit connaître jusqu’à Paris où artistes, écrivains et politiques venaient déguster sa célèbre bouillabaisse ou ses langoustes à l’armoricaine. Dans le livre d’or, un temps disparu et qui devrait faire sa réapparition dans le nouvel établissement, Fernandel, bon client, écrit en 1931 : « J’ai la papille gustative et j’apprécie Louis ». Quant à Félix
Mayol, il décrète en 1934 : « Comme avant d’être artiste, j’ai été cuisinier, je peux dire en vérité que la cuisine ici est supérieur e». De Michel Pacha à George Sand, nombreux sont les people àse rendre à Balaguier. A la mort de Marius, Le Père Louis est vendu à un restaurateur parisien qui le baptise « Le Manureva », du nom du bateau d’Alain Colas. Ainsi se termine la belle aventure d’une entreprise familiale fondée sur le travail de la pêche et de la cuisine.
Lu… en
1. D’après le récit de Monique Estienne au sujet de l’histoire de sa famille, lors du colloque d’Histoire et Patrimoine seynois (HPS) en 2013. « Le restaurant du Père Louis est toujours là, modeste, confortable et fleuri, habile aux fritures improvisées et à la bouillabaisse délectable. Je me souviens avec attendrissement d’une belle soirée d’été où, après un fin dîner, nous regardions tous deux sur cette plage riante les pescadours bronzés qui tiraient gaiement la seine. Dans l’eau transparente, sous les mailles brunes du filet, frémissaient des milliers d’anchois, papillotage irisé qui amusait les yeux… »