Félix Mayol LE PETIT PRINCE DU CAF’ CONC’
Attaché à Toulon, sa ville natale et à son club de rugby, il va financer la construction d’un stade qui porte encore son nom aujourd’hui.
Qui n’a jamais entendu – sauf sans doute les moins de 30 ans – le refrain populaire « Viens poupoule, viens poupoule, viens… Après le turbin, je paye l’caf’concert ». C’est ici une rengaine qui, fin XIXe et même début du XXe siècle, était sur toutes les lèvres des titis parisiens. En effet, c’était une époque, entre-deux-guerres, où l’insouciance régnait tant dans les thés dansants que dans les bals musettes. Mais qui est l’auteur de cette chansonnette qui, de nos jours, pourrait paraître audacieuse ? Eh bien, Félix Mayol, un Toulonnais qui, avec son incroyable houppe de cheveux rouges, son brin de muguet à la boutonnière et ses éternelles rengaines fredonnées d’une voix un peu ampoulée, propre à l’époque, mais juste et mélodieuse, fut incontestablement un prince du caf’conc’. Peut-être même a-t-il inventé le genre !
La scène dans le sang
Le petit Félix est né le 18 novembre 1872 au 1 rue d’Isly, à Toulon. Ses parents, tous deux un peu chanteurs et comédiens amateurs, lui insufflent le goût de la scène, alors qu’il n’a que six ans. Orphelin à 13 ans, Félix commence sa vie active comme pâtissier selon les désirs de son oncle. Mais, c’est la scène qui attire le jeune homme. Aussi, vers 1890, il se produit sur les planches de l’Alcazar de Marseille sous le nom du Petit Ludovic. Bien que copieusement sifflé, il ne se décourage pas. Au retour du service militaire, il retente sa chance. Pendant deux ans, il tourne sur les scènes des cafés chantants et brasseries entre Toulon et Marseille. En 1895, son style très personnel séduit un directeur de théâtre qui le fait venir à
Paris et l’embauche au Concert Parisien. Engagé pour trois ans, il y restera cinq ans. C’est le début d’une carrière qui ne se terminera que... 43 ans plus tard. Dès 1900, le succès de La Paimpolaise le fait connaître en France et dans les pays francophones. Mais, c’est Viens poupoule qui, en 1902, fait un triomphe. À partir de là, il va connaître une gloire considérable et sans faille. En 1910, devenu riche, il achète le Concert Parisien qu’il renomme Concert Mayol. Chez lui, on verra les débuts d’un certain Raimu et d’autres gloires provençales comme Valentin Sardou et Fernandel. Il lance aussi Maurice Chevalier. Entre 1907 et 1920, il est souvent tête d’affiche à deux endroits en même temps. Fin des années vingt, fidèle à sa ville natale, il se retire de plus en plus au Clos Mayol, une propriété qu’il s’est fait bâtir au Cap Brun, près de Toulon où il reçoit ses amis Liane de Pougy, Raimu, Chevalier, Mistinguett, Georgel… Particulièrement attaché au club de rugby toulonnais, il offrit ses droits d’auteur pour financer la construction d’un stade qui, inauguré le 28 mars 1920, porte toujours son nom. Le muguet, son porte-bonheur (lire encadré) est devenu l’emblème du club. Pendant 10 ans, Mayol va faire ses adieux au monde du spectacle et, en homme de scène, il installe aussi un théâtre dans sa propriété où il accueille les vedettes de l’entre-deux-guerres. Paralysé, à la suite d’une attaque, le dernier grand charmeur du café-concert s’éteint le 26 octobre 1941 dans son clos, après avoir donné une dernière représentation. Il est inhumé au cimetière central de Toulon.