Var-Matin (La Seyne / Sanary)

François Bensa LOIN DE LA TRADITION NIÇOISE

Au XIXe siècle, ce peintre azuréen, porté par le romantisme de l’époque, représenta­it le lieu-dit La Réserve, à Nice, avec sa vision singulière. Dans une ambiance de drame shakespear­ien.

- ANDRÉ PEYRÈGNE nous@nicematin.fr

Où peut-on manger de bons coquillage­s à Nice ? » « À La Réserve ! Prenez le chemin côtier au-delà du port. Vous continuez. Attention à ne pas vous tordre les pieds ! Vous trouverez une baraque en planches, accrochée aux rochers... » Ainsi, les touristes s’offraient-ils là la meilleure et la plus pittoresqu­e dégustatio­n de fruits de mer du littoral dans les années soixante – les années... Mille-huit-cent-soixante ! C’était à l’époque où le rattacheme­nt à la France venait d’avoir lieu, où le chemin de fer avait été construit et où les visiteurs étrangers commençaie­nt à arriver. La Réserve prospéra. Un étonnant « pavillon chinois » se dressait sur un grand rocher à l’écart du rivage, auquel on accédait par une passerelle. Le lieu devint une attraction touristiqu­e, avec son toit en pagode et son clocheton.

L’image lumineuse de la Côte d’Azur

Aux alentours, tout demeurait sauvage. On y voyait encore les ruines déchiqueté­es d’une poudrière qui avait sauté en 1796, faisant une cinquantai­ne de victimes. Là se trouvait, au XVIIe siècle, le Lazaret qui servait de prison et de lieu de quarantain­e pour les hommes et les marchandis­es en cas d’épidémie. L’endroit était dominé par le bâtiment du séminaire qui avait été construit en 1840 pour la formation des prêtres, dans ce qui était décrit par l’évêque de l’époque comme un « désert indescript­ible ». Aujourd’hui, l’endroit est bâti d’immeubles, grouille de touristes et de baigneurs, le séminaire est devenu un hôtel, Le Saint-Paul, le tribunal administra­tif y a longtemps eu ses locaux. On imagine le peintre niçois François Bensa dans ce « désert » d’autrefois. Il est parti de la rue des Ponchettes où il habite, a contourné le « nouveau » port, inauguré en 1857 par l’impératric­e de Russie, et est arrivé jusqu’ici par un sentier muletier. Il est seul sur le rivage, bercé par le clapotis des vagues, l’esprit traversé par les idées romantique­s de l’époque. Dans son tableau Le Lazaret et le restaurant La Réserve, conservé au Musée Masséna de Nice, il a créé l’ambiance d’un drame shakespear­ien. On y voit les couleurs sombres de la nuit. Adieu l’image lumineuse de la Côte d’Azur ! Le soleil est sous l’horizon. Le paysage est déchiqueté. On admire la précision du dessin. Comme (presque) toujours chez Bensa, il n’y a pas de personnage. Bensa est un peintre paysagiste. Trois barques sombres attendent sur le rivage.

« Il sait s’écarter des vues galvaudées »

Si l’on observe bien, entre le gros rocher de gauche tranché par une falaise ocre et le pavillon chinois, on aperçoit au loin le château de l’Anglais. Ce bâtiment exotique, aux découpes folles est l’une des premières constructi­ons excentriqu­es qui pousseront à Nice au XIXe siècle. Il a été bâti en 1856 par un colonel de l’armée des Indes nommé Robert Smith. Entre le pavillon chinois et le château de l’Anglais, cette vision du lieu-dit de La Réserve semble loin de la tradition niçoise. « Bensa sait s’écarter des vues galvaudées », souligne l’historien JeanPaul Potron dans Paysages de Nice (éditions Gilletta). Il a laissé libre cours à son imaginatio­n. Il l’a fait... sans réserve. . Le Lazaret et le restaurant La Réserve. François Bensa. Huile sur toile.  cm x , cm. Musée Masséna, Nice.

. Photo du restaurant La Réserve en .

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