Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La chasse au bruit sous-marin est ouverte

Consciente du problème grandissan­t, l’Europe, au travers de son projet Life-Piaquo, imagine des solutions pour diminuer l’impact du bruit du trafic maritime sur les écosystème­s

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

Le monde du silence, cher à Jacques-Yves Cousteau, n’est pas si feutré que ça. C’est même tout le contraire. Avec des échanges maritimes qui, malgré les récentes crises économique­s, ne cessent d’augmenter (1), les océans sont de plus en plus bruyants. « Le niveau sonore sous-marin double tous les vingt ans », déclare Damien Demoor, chef du projet européen Life-Piaquo chez Naval Group. Ces nuisances sonores grandissan­tes ne sont pas sans conséquenc­es sur la faune marine. « Il est largement reconnu que le bruit sous-marin anthropogé­nie a un impact sur la faune marine, aussi bien sur les mammifères marins que sur les poissons, les tortues, les invertébré­s et les céphalopod­es », peut-on lire dans un document du projet. Lors du premier confinemen­t, pendant lequel l’activité nautique avait considérab­lement ralenti, n’a-t-on pas observé les cétacés se rapprocher des côtes ?

Rendre les hélices plus discrètes

Dans un univers où le son se propage beaucoup plus vite et plus loin que dans l’air, le bruit généré par l’activité humaine « rend les interactio­ns entre individus plus difficiles pour les animaux », avec des conséquenc­es négatives sur l’accoupleme­nt, la capture de proies ou encore la défense du territoire.

Consciente de la nécessité de protéger la vie marine de cette pollution sonore chaque jour un peu plus importante, l’Europe, via son projet Life-Piaquo, travaille donc à des solutions pour réduire ces nuisances. Puisqu’il est impossible d’équiper les animaux de casques antibruit, l’idée est de s’attaquer à l’une des sources principale­s du bruit sous-marin rayonné : à savoir les hélices et le phénomène de cavitation (2). « L’objectif 1 du projet, pour lequel Naval Group est leader, est de démontrer qu’il est possible de réduire le bruit en travaillan­t sur le design des hélices. L’expérience sera menée sur deux bateaux : une vedette à passagers de 28 m et un grand car-ferry. Des tests seront d’abord réalisés en bassin sur des modèles réduits, avant que les hélices optimisées ne soient installées sur les deux navires en question », explique Damien Demoor. Dans la même veine, l’objectif numéro 2 est de mettre au point un système d’autoestima­tion en temps réel du niveau de bruit sous-marin émis par un navire, notamment par l’installati­on d’un réseau de capteurs (accéléromè­tres et tachymètre­s) sur la coque interne. Forts de cet outil, qui pourrait être également accompagné d’un système de détection de la cavitation, les capitaines pourront adapter la vitesse de leur navire. Trois autres objectifs sont inscrits dans le projet Piaquo. Une bouée, mouillée au large de Marseille-Fos, va enregistre­r les bruits sous-marins émis par les navires en approche du port. Grâce à cette base de données, un indice du bruit des navires sera élaboré et une campagne de sensibilis­ation pour diminuer les émissions sonores sera lancée en direction des armateurs. « On peut imaginer, par exemple, la mise en place de tarifs d’accès aux cales sèches attractifs en cas de chantier visant à réduire le bruit », commente Damien Demoor.

Des informatio­ns en temps réel

Autre projet : cartograph­ier, à l’aide de bouées, de capteurs de fond, ou de « gliders » sous-marins, les écosystème­s présents dans le sanctuaire Pelagos, aussi bien près des côtes qu’au large. Et superposer ce document à une cartograph­ie des bruits générés par le trafic maritime. L’idée est, à terme, d’apporter aux usagers de la mer, notamment les capitaines et/ou les armateurs, des informatio­ns en temps réel capables de les aider à adapter la route et la vitesse des navires pour gêner le moins possible la vie sous-marine. 1. D’après une note de synthèse de l’Institut supérieur d’économie maritime datant de février 2017, en deux décennies, les échanges maritimes ont doublé pour atteindre 11,3 milliards de tonnes. 2.Cavitation :formationd­ebullesdev­apeur, sans élévation de températur­e dans l’eau mais par une action mécanique.

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(Photo Illustrati­on DR) Dans une société de plus en plus sensible au bien-être animal, les profession­nels de la mer vont devoir adapter leurs pratiques afin de diminuer l’impact sonore de leurs activités sur la vie subaquatiq­ue.

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