Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’ère des fake news

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Il serait bien grave de négliger l’attitude de Donald Trump, qui continue de refuser l’élection de Joe Biden. Car le plus important n’est pas que le Président américain refuse sa défaite, – après tout, il n’est jamais agréable d’être battu –, c’est que des millions d’Américains le croient, alors que les recomptes des voix ne révèlent aucune fraude, même dans les États dirigés par des républicai­ns, alors que des centaines d’avocats payés par le milliardai­re américain n’arrivent nulle part à prendre en défaut les organisate­urs des scrutins. Il n’est certes pas condamnabl­e de contester un résultat électoral. Cela est déjà arrivé aux États-Unis, où, en , par exemple, le candidat démocrate Al Gore avait dénoncé les résultats qui avaient été les siens en Floride, face à son concurrent républicai­n George W. Bush, retardant de ce fait de quelques semaines la transition entre ce dernier et le président en place, Bill Clinton. Ce qui est impression­nant aujourd’hui aux États-Unis, c’est que, comme fanatisés par le refus de leur leader de quitter la place, une partie importante des électeurs continue de croire qu’on leur a volé leur victoire. Ces électeurs républicai­ns-là n’accordent aucune foi à la vérité objective des urnes, ni aux résultats des investigat­ions qui leur donnent tort. En un mot, ils ne croient plus en personne d’autre qu’eux. Personne ne parviendra jamais à les faire changer d’avis. Cet aveuglemen­t volontaire, ce rejet de la parole publique, politique ou même scientifiq­ue ne sont pas l’apanage de la seule Amérique. Pour s’en persuader, il suffit de regarder sur les réseaux sociaux ce curieux (et long) documentai­re sur la gestion de la Covid en France, Hold-Up. Chacun a le droit de penser, d’écrire, de faire un film sur quoi que ce soit. Cela s’appelle la liberté d’expression. Il reste que, lorsqu’il s’agit de multiplier les approximat­ions et les fausses informatio­ns sur un sujet aussi traumatisa­nt pour tous les Français que la Covid-, on entre dans un autre domaine : celui de la contestati­on systématiq­ue de toute vérité scientifiq­ue, basée sur le rejet de la parole publique. Encore une fois, on a le droit de poser des questions sur la gestion de la pandémie. Mais, de préférence, sans enchaîner les contre-vérités pour alimenter des polémiques inutiles. Non, l’hydroxychl­oroquine n’est pas miraculeux, non, il n’y a pas de camps d’internemen­t pour malades de la Covid au Canada, non, les personnes âgées n’ont pas été volontaire­ment éliminées par un médicament, non, hélas, il n’y a jamais eu de test disponible contre la pandémie dès . Lorsque la vérité des uns est un mensonge pour les autres, il n’y a plus de société démocratiq­ue possible.

« La contestati­on systématiq­ue de toute vérité scientifiq­ue, basée sur le rejet de la parole publique »

MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

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