Pourquoi est-il important de faire surveiller votre vision ?
À la une Comment, sans reproduction sexuée, peut-on échanger des gènes avec une autre espèce ? Des chercheurs azuréens décryptent le phénomène
Quand deux individus génétiquement éloignés se rencontrent, ils peuvent, sans être pourtant en capacité de donner naissance à une descendance, se transmettre des traits qui donnent un avantage pour la survie. Ce phénomène s’appelle l’introgression (transfert de gènes entre deux espèces par hybridation) et il nous aurait permis de coloniser la planète. Un peu d’histoire : quand Homo sapiens (notre espèce) est sorti d’Afrique, il a ainsi eu l’occasion de rencontrer d’autres humains qui habitaient notamment en Europe mais aussi au Moyen-Orient, parmi lesquels le fameux Homme de Néandertal. Des événements d’introgression seraient alors survenus entre Homo sapiens et ces autres espèces proches : du matériel génétique de Néandertal est ainsi retrouvé chez l’humain (lire encadré). Mais, comment cet ADN a-t-il pu être échangé hors reproduction sexuée ? La question taraude de nombreux scientifiques à travers le monde depuis des années. Un groupe de chercheurs niçois dirigé par Gianni Liti, à l’IRCAN (Institute for Research on Cancer and Aging) à Nice vient de résoudre l’énigme. Une véritable prouesse scientifique publiée dans la revue la plus prestigieuse au monde : Nature.
Surmonter l’infertilité des espèces hybrides
Leurs matériels d’études ? Des êtres vivants simples, au fonctionnement comparable à celui des cellules humaines, les levures. Et plus précisément, la levure du boulanger Saccharomyces cerevisiae et son espèce soeur Saccharomyces
paradoxus.
« Ces deux espèces de levure peuvent s’accoupler et former des hybrides S. cerevisiae/S. paradoxus. Mais, leur forte divergence génétique (environ 12 %) rend leur descendance majoritairement non-viable, limitant ainsi l’échange de matériel génétique. Des fragments d’ADN de S. paradoxus
ont pourtant été retrouvés dans le génome de S. cerevisiae, selon un processus vraisemblablement similaire aux introgressions de Néandertal observées chez l’humain. » Comment est-ce possible alors que les hybrides sont stériles ? Pour répondre à cette question cruciale, les chercheurs niçois ont fouillé le génome d’une levure « fossile » mais vivante, ancêtre direct d’une autre souche moderne de S. cerevisiae dénommée Alpechin, trouvée dans les eaux usées de la production d’huile d’olive et pourvue d’introgressions de S. paradoxus. Une espèce hybride comme il n’en existe plus dans l’espèce humaine. Et ces recherches vont leur livrer des informations décisives. « On a découvert que, curieusement, les chromosomes de cette levure « fossile » sont parfaitement identiques en plusieurs endroits, là où l’ADN de S. paradoxus a complètement remplacé celui de S. cerevisiae. »
De là, l’équipe va réaliser des analyses génétiques qui vont les amener à conclure que ces morceaux d’ADN permettent à l’espèce hybride de surmonter l’infertilité. Explications à destination des seuls titulaires d’un doctorat de génétique : « Ces « ces blocs d’ADN » de S. paradoxus permettent à Alpechin de recombiner plus efficacement son génome lors de la formation de gamètes pour la reproduction sexuée. Les descendants de la levure fossile ont alors été rétrocroisés successivement avec S. cerevisiae donnant ainsi naissance à des descendants comportant de longs fragments d’introgressions d’ADN de S. paradoxus. À terme, ce scénario aboutit à la formation de génomes très semblables à celui des levures Alpechin. » Sans répondre à toutes les questions, cette découverte révèle comment des espèces peuvent échanger du matériel génétique sans avoir recours à la reproduction sexuée.