Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Crise de la Covid- : « On est passé de l’Institut Pasteur à l’institut Farceur »

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Avez-vous été vacciné contre la Covid ?

Oui, avant-hier [mardi Ndlr].

La crise sanitaire dure et chaque jour qui passe alimente une nouvelle polémique…

C’est insupporta­ble. On saura si la crise de la Covid a bien été ou mal gérée lorsqu’on retrouvera un début de vie normale. On pourra calmement faire l’analyse de ces mois de pandémie. Combien l’ont vraiment attrapé, combien en sont morts et l’on fera la comparaiso­n avec le reste du monde. En attendant les prêchiprêc­ha, les y-a-qua, les mecs qui savent tout sur tout, ils me font chier. Au coeur d’une crise planétaire qui n’a aucun précédent, c’est tellement facile de dire moi je ferai mieux. Aux hommes politiques qui ont pris position publiqueme­nt pour l’option vaccin, en dépit du précédent gravissime de l’affaire du sang contaminé, je dis chapeau maintenant que l’on sait que les effets secondaire­s sont mineurs. Moi, personnell­ement, je ne sais pas ce que j’aurais fait. C’est tellement plus facile de nos jours de donner des leçons quand on n’est pas aux manettes…

La France n’a pas son propre vaccin ?

On est passé de l’institut Pasteur à l’institut Farceur. C’est déplorable. On a perdu notre leadership créateur. Tu prends le patron de Moderna qui a, lui, mis au point un vaccin. Il s’appelle Bernard Bancel. Il vient d’où ? De Marseille. Une grande partie des grands chercheurs dans les gros laboratoir­es internatio­naux, ils viennent d’où ? Ils sont français, mais ils ont dû se barrer à l’étranger parce qu’il faut croire que chez nous, on n’est désormais plus les leaders que dans l’industrie du luxe. C’est formidable, mais on aurait pu rester leader dans l’industrie tout court. J'en ai parlé avec Stéphane Bancel. C’est un mec fantastiqu­e. Dès le mois d’avril, quand tout le monde pataugeait sur « faut-il tester ? », « faut-il porter des masques ? », il avait pris contact avec nos plus hautes autorités de santé. Il avait déjà bien avancé sur la piste d’un possible vaccin contre la Covid. Légitimeme­nt, il cherchait à savoir si la France était prête à investir dans cette recherche vitale… Et tu sais quoi, personne n’a pris la peine de lui répondre. Il a remis ça à l'automne, alors que son vaccin était déjà en phase , et rien n’est venu. Par contre Trump, lui, a mis  milliards de dollars dans son vaccin. C’est sans doute la seule chose de bien qu’il ait faite en quatre ans de Maison Blanche.

C’est ça le mal français selon vous ?

Plus qu’on ne le croit. Tu veux un exemple : chaque année, il y a, à Las Vegas une grande foire à l’innovation. Les chercheurs les plus innovants, les start-up qui modèleront le monde de demain se battent pour y être invités. Pour y décrocher un prix. L’année dernière, après les États-Unis (), c’est la France qui a reçu le plus de prix.  ! Très loin devant les Anglais, les Allemands. Mais sur les  champions français de l’innovation,  à peine ont trouvé un investisse­ur français pour les suivre. Les autres, tous les autres sont restés sur place. Un jour on apprendra que telle ou telle entreprise innovante qui court sous les couleurs des USA était au départ française. Et ça fera une belle jambe à notre économie nationale ! Ce n’est pas les Français qui sont devenus moins inventifs, moins créatifs. On est chiant, on est râleur, on est égocentriq­ue, mais on est toujours au sommet de l’innovation. Sauf que l’organisati­on de l’État, avec ses hauts fonctionna­ires certes utiles mais tous sur le même moule de la technocrat­ie, qui ne savent gérer que les choses qui rentrent dans les cases formatées de leur monde clos, est en train de nous paralyser.

C’était mieux avant ?

Je ne sais pas mais si, par exemple, je fais un retour sur mon incorporat­ion sous les drapeaux, je me pose vraiment la question. Je me souviens d’un monde où les gens étaient mélangés, au-delà de leur classe sociale, de leur diplôme. Par exemple, pendant les « trois jours », on y passait tous un examen de contrôle de culture générale. Grâce à cela, j’ai la chance d’être l’un des cinq qualifiés de ma région à pouvoir intégrer l’école d’élèves officier de Montpellie­r. À ma grande surprise, je m’y suis retrouvé aux côtés des élèves des grandes écoles – l’ENA, Centrale, Polytechni­que, etc. Je ne suis pas un nostalgiqu­e de l’armée, mais ce moment où la mixité des expérience­s individuel­les devient une réalité, où chacun se forge du savoir acquis ou inné de l’autre, c’est une chance. Ce devrait être la règle jusqu’au plus haut des services de l’État, voire même du monde politique. De plus en plus de leaders parlent de choses qu’ils n’ont pas connues, pas vécues si ce n’est sous le prisme abstrait du savoir académique. Quand tu penses qu’encore aujourd’hui, à peine  % des fils d’ouvriers accèdent aux grandes écoles, tu as compris une partie du mal français.

Va-t-on sortir un jour de cette crise ?

J’en suis persuadé. Le vaccin sonne le glas de la pandémie. Qu’on arrête de nous faire peur avec les variants. Oui, ils existent ! Oui, ils sont plus contagieux sans doute ! Mais la recherche gagnera aussi ce combat. On l’a peut-être oublié, mais chaque année le vaccin de la grippe est modifié, adapté à la nouvelle souche ou mutation du virus.

‘‘ Les mecs qui savent tout sur tout, ils me font chier ”

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(Photo DR) « Mes parents m’ont transmis un bagage génétique formidable. »

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