Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Police Paris  une époque formidable...

Nouvelle création Canal +, la série nous plonge dans la France de la Belle époque avec une vraie ambition visuelle et scénaristi­que.

- Paris Police 1900, MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

Canal + a toujours aimé prendre des risques dans ses créations originales. 2021 ne dérogera pas à la règle avec Paris Police 1900 qui, comme son nom l’indique, nous plonge au coeur de la Belle époque qui n’a de belle que le nom. On se situe à mi-chemin entre Boardwalk Empire et Peaky Blinders, deux séries qui ont servi d’inspiratio­n à Fabien Nury, auteur de bande dessinée et déjà à la tête de Guyane.

Nury a voulu raconter plusieurs choses, le contexte politique de l’époque avec un antisémiti­sme galopant, les moeurs violentes, la place difficile de la femme, le tout sous fond d’enquête policière dans une profession qui se modernise petit à petit (apparition de l’anthropomé­trie judiciaire avec Alphonse Bertillon, développem­ent du téléphone, des moyens de locomotion).

« Des pas de côté »

Fiction ou réalité ? « Police Paris 1900 a une vraie dimension historique tout en se permettant des pas de côté en mêlant ce qui est vrai de ce qui est faux, détaille Fabien Nury. Difficile d’inventer la folie des frères Guerin dont Jules, un journalist­e antisémite et directeur de l’hebdomadai­re L’Antijuif, mais la manière de les représente­r est une oeuvre de fiction dans laquelle il faut trouver une certaine esthétique ».

Forcément, l’ambition de la série se ressent rapidement car elle demande une certaine concentrat­ion, les quatre premiers épisodes installent beaucoup de personnage­s, près de 80. « On estime que l’intérêt de la série est supérieur aux efforts demandés » détaille Nury. Il a raison.

Pour Fabrice De le Patellière, directeur de la fiction française sur Canal +, « c’est une période agitée de l’histoire de France, de là est venue l’idée de croiser différents styles car on voulait rénover le genre policier. »

Du côté du producteur Emmanuel Daucé, « tout est parti d’une exposition consacrée à Bertillon sur les scènes de crimes. Les photos étaient horribles mais très esthétique­s. La mise en scène était déjà au coeur des notes d’intention. Cette série est une longue aventure qui a duré trois ans. La série est cohérente, riche, chaque épisode a coûté deux millions d’euros, c’est un budget proche des séries internatio­nales. On a été dans des zones d’inconfort par choix ». Comme ses inspiratio­ns étrangères, la série a pour elle ce côté esthétique, sombre, intriguant. Avant de se lancer caméra à l’épaule, la production s’est documentée pendant près d’un an. Fabien Nury pose le décor : « J’ai sans cesse voulu extrapoler sur la base d’une réalité comme l’affaire du Fort Chabrol, par exemple, ou de la valise sanglante. Mon travail a consisté à trouver un lien entre la fiction et la réalité. Il fallait aussi composer avec des mécaniques lourdes qui demandent des impératifs de précision dans la narration que sont celles des récits historique­s, des thrillers politiques et des films policiers. Cette difficulté globale nous a tous réuni, c’était plus dur que nos standards mais c’était à notre portée. Cette époque était dure, avec une violence politique, une violence conjugale. La Belle époque s’imaginait comme un polar avec des faits divers. On voulait produire un choc d’entrée pour que les téléspecta­teurs sachent où on allait. »

En ce sens, le pilote est une gifle cathodique. Le style est posé. On est prévenu, le plancher est très élevé. Une qualité notamment liée aux réalisateu­rs. Julien Despaux, l’un d’eux, explique qu’il « a fallu régler le curseur pour trouver une forme d’harmonie avec autant de styles différents. Par exemple, ça nous semblait évident de tourner en scope. Pour se démarquer, il fallait multiplier les éléments visuels ».

Casting crédible sans tête d’affiche

C’est ici que les décors et les costumes jouent un rôle prépondéra­nt. « On souhaitait rester au maximum dans Paris. On aurait pu tourner à Budapest ou Prague pour des questions financière­s, mais on a tout fait pour rester dans Paris avec l’architectu­re Haussmanni­enne », rembobine Pierre Queffeléan,

décorateur.

Du côté des costumes, Anaïs Romand a surtout insisté sur des détails. « Il fallait distinguer les hommes qui sont tous en noir, surtout dans une série où ils sont très nombreux. On a joué sur les coupes, les teintures, les chapeaux ».

La série fonctionne également parce que le casting est crédible alors qu’il ne comporte aucune tête d’affiche. Un choix assumé par la production. « On ne voulait pas que des gens connus pour ne pas s’éloigner de nos personnage­s, embraye Emmanuel Daucé. On souhaite aussi faire plusieurs saisons et ne pas être centré sur l’emploi du temps d’une tête d’affiche. Engrenages et Un village français ont été pensés comme ça. On voulait aussi surprendre avec des gens moins connus. » Surprendre par le casting mais aussi par le propos à en croire Evelyne Brochu, qui joue Marguerite Steinheil : « C’était une

Hubert Delattre campe Jules Guérin.

époque cruelle, ça m’a jeté sur le dos la réalité de certaines histoires ».

Sans oublier l’immense Hubert Delattre qui joue l’un des frères Guérin : « La violence verbale et physique de cette époque était incroyable. Être antisémite, en 1900, c’était une carte de visite. Ça fait partie de l’histoire de France et on la raconte peu. Plus le rôle est excessif, plus on dénonce quelque chose d’horrible. J’ai pris un plaisir fou à jouer ce rôle ». Quant à Jérémie Laheurte, Antonin Jouin, le personnage principal, « les personnage­s n’expliquent pas la période, ils la vivent. La documentat­ion sur la série était incroyable, tu avais des experts de Bertillon par exemple, ça donne la sensation d’avoir des clés pour jouer nos rôles ». Au final, la série de huit épisodes se dévore et on demande déjà la suite.

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On voulait rénover le genre policier ”

à partir de 21 h sur Canal +.

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Antonin Jouin joue Jérémie Laheurte.
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