Personnes trans : « Ce qui est invisible n’existe pas »
Pour la première fois à Nice, des associations se sont unies pour célébrer la Journée internationale des transgenres : aujourd’hui encore, leur vie est un parcours du combattant.
C «e qui est invisible n’existe pas aux yeux du monde » ,a entamé Erwann Le Hô, président du centre Lesbien, gay, bi et trans de la Côte d’Azur. La Journée internationale de la visibilité des personnes trans était célébrée, hier, pour la première fois à Nice... « La voix des personnes trans compte, la vie des personnes trans compte », a-t-il lancé place Garibaldi, lors de cet événement militant et solidaire, organisé à l’initiative du centre LGBT, de l’ATCA +, l’association des Transgenres Côte d’Azur, avec le soutien du Planning familial des Alpes-Maritimes. Et de rappeler que certains combats menés ont été remportés, comme le changement de prénom facilité en mairie, comme le changement d’état civil, mais qu’il en reste tant encore : « L’ouverture de la PMA à toutes les femmes et aux femmes trans ou encore structurer une offre de santé adaptée et bienveillante. »
Lulu « on offre un nid »
Dans l’assistance, Lulu. Depuis sa naissance, « elle » s’était accrochée à un schéma, à une norme : elle
Des associations ont célébré place Garibaldi à Nice la Journée internationale de la visibilité des personnes trans.
était une fille. Puis, une femme. Sauf que non, « elle » le sentait... À 43 ans, Lulu plaque tout. Et repart de zéro. Lulu devient Lulu, cet homme qu’elle a toujours été. Aujourd’hui, à 60 ans, bien dans ses baskets, après avoir été aidé par le centre LGBT à Nice, il a décidé de faire de même. Lulu est président de l’ATCA +. « Je m’investis à fond dans la cause des trans. C’est compliqué, mais petit à petit on y arrive.
C’est compliqué pour plein de raisons, parce que les personnes trans ou en questionnement qui poussent votre porte sont souvent de passage. J’ai l’habitude de dire qu’on leur offre un nid, et qu’elles s’envolent quand elles veulent. » Au sein de l’association, les personnes trans peuvent participer à des groupes de parole, avoir des entretiens individuels. « On développe l’humain ! Être trans ça reste, même en France, un vrai parcours du combattant. Même s’il y a des avancées, le chantier est encore vaste », fait valoir Lulu.
« Difficile d’en parler »
Près de lui, Gigi, jeune femme longiligne aux grands yeux. Classe. «Je suis stewardesse dans le milieu du nautisme et j’espère évoluer encore et passer mon diplôme de capitaine », dit-elle, campée sur ses talons. Gigi a entamé sa « transition » il y a une dizaine d’années. Cette Niçoise en a 30 aujourd’hui, transition terminée. «Le milieu professionnel dans lequel j’évolue est déjà difficile pour une femme et encore plus pour une personne trans », sourit-elle. « Mais j’ai de la force », lâche-telle. Une force qu’elle ne soupçonnait même pas. « C’est Dieu ou des anges qui m’ont aidée dans mon parcours », raconte Gigi. Un parcours qui n’est pas encore totalement rose et serein. Elle rêve de ce jour où elle n’aura plus « d’angoisses la nuit », ou elle saura dire qui elle est sans crainte. « C’est toujours difficile d’en parler à mes partenaires, tellement difficile que je préfère me concentrer sur ma vie professionnelle. » « Petit », Gigi n’a pas su mettre les mots sur ce qu’elle ressentait au plus profond de son être, « j’ai tout étouffé ». Elle se souvient de l’échec scolaire, des envies suicidaires à 8 ans... mais elle se souvient aussi : « J’avais écrit un poème sur un petit garçon qui avait enfermé une petite fille dans un placard. Il devait attendre sa majorité pour pouvoir l’épouser. » Métaphore de sa vie.
Dans certains pays, les personnes trans sont persécutées ou emprisonnées. En France, subsistent encore des discriminations à l’école, entraînant parfois une déscolarisation. Le taux de suicide chez les jeunes trans est 7 fois supérieur à celui des autres jeunes. Le parcours professionnel est semé d’embûches : discrimination à l’embauche, pressions de conformité aux normes attendues de genre...