Il y a ans, l’Amérique honorait le prince Albert
Lors d’un voyage aux États-Unis, en avril et mai 1921, le prince de Monaco reçut la plus haute récompense de l’Académie des Sciences de Washington.
Il y a 100 ans, en 1921, le prince Albert 1er connaissait la consécration de sa carrière scientifique. Il recevait à Washington la médaille Agassiz de l’Académie nationale des sciences, qui était, à l’époque, la plus haute récompense scientifique décernée aux États-Unis. À cette occasion, le souverain monégasque prononça un « Discours sur l’Océan » qui est resté dans les annales. Nous évoquons cet événement au moment où le Comité Albert 1er- 2022 a lancé les commémorations du centenaire de la mort du souverain (le 26 juin 1922) et où le prince Albert II a récemment célébré à la National Academy of Science de Washington les cent ans de ce « Discours sur l’Océan ». (Voir encadré)
À bord du premier paquebot France
C’est au Havre, le 9 avril 1921, qu’Albert 1er, âgé de 72 ans, s’embarqua pour l’Amérique à bord du premier paquebot France – un navire qui voguait au début du XXe siècle et était si somptueux qu’on l’appelait le « Versailles des mers ». Pendant la Première Guerre mondiale, il avait servi de navire-hôpital et de transport de troupes en Méditerranée. Accueilli à New York avec les égards dus à un chef d’État, Albert 1er fut reçu le 23 avril à l’American Geographical Society qui lui décerna la médaille Cullum (attribuée en matière de recherche géographique). Avant sa célébration à la National Academy of Science, le 25 avril, première consécration pour le souverain monégasque : il est accueilli à la Maison Blanche par le président Warren Harding. Celui-ci avait été élu deux mois plus tôt. Les deux souverains évoquèrent les relations américano-européennes, trois ans après la Première Guerre mondiale à laquelle les États-Unis avaient victorieusement pris part.
Les dangers de la pêche industrielle
Puis ce fut le « Discours sur l’Océan » d’Albert 1er prononcé à l’Académie des Sciences de Washington. Ce discours a marqué les esprits par la pertinence de son analyse sur la protection de la planète. Il suffit de lire cet extrait dénonçant la surexploitation des nouvelles technologies dans la pratique de la pêche – « nouvelles technologies » qui se limitaient à l’époque aux… chalutiers à vapeur ! – « J'interviens à présent sur une question qui présente un véritable danger : la pêche, dont les effets destructeurs s'accentuent progressivement dans les mers où elle se pratique avec des moyens de plus en plus puissants et nombreux, tels que les chalutiers à vapeur. Ces derniers labourent le sol des plateaux continentaux en arrachant les herbes marines et en ruinant les fonds qui conviennent le mieux à la multiplication comme à la conservation (DR)
d'une foule d'espèces. Si bien que dans quelques années le gagne-pain dont vivent encore aujourd'hui des centaines de milliers de pêcheurs avec leurs familles sur les côtes européennes aura presque disparu. » Les propos tenus par Albert 1er pourraient être repris aujourd’hui : «Ondirait que l'homme perd toute prudence lorsqu'il se trouve face à l’abondance. Alors il paraît subir un vertige qui le mène à la destruction radicale des choses, car il n'y a aucun produit de la nature qui puisse survivre aux entreprises irréfléchies de l'industrie humaine. »
Le prince Albert 1er propose l’organisation de conférences internationales « pourvues des pouvoirs nécessaires pour faire respecter les décisions prises. »
Un nouveau péril allemand
Le prince termina son discours sur des propos de géo-politique. Avec une étonnante lucidité, il se dit inquiet de la volonté de revanche des Allemands.
« Au moment où des heures périlleuses reviennent sur l'Europe, souvenez-vous de celles que nous avons déjà vécues ensemble pour faire régner la paix sur la liberté du monde. Devant le péril qui se dresse à nouveau aujourd'hui, vos soldats tombés avec les nôtres voudraient se lever pour combattre encore… C'est un appel des morts quand la botte allemande menace de revenir demain sur la terre de France qui garde leurs dépouilles. Regardez bien les ruines laissées par les armées féroces sur le sol français. Ecoutez leurs discours qui, devant les pierres calcinées de Louvain et de Reims, devant l'oeuvre intellectuelle de nos aïeux abattue et souillée, appelle au recommencement de la guerre sauvage. Ah ! Mes chers confrères de la science américaine, apportez plus que jamais le concours de votre prestige aux oeuvres qui rapprochent les hommes dans le culte de la justice, du travail et de la liberté. Ce sont des forces dont l'union fournit la seule puissance qui puisse arrêter les ennemis de l'humanité quand ceux-ci agissent sous l'empire d'un orgueil qui vient de dévorer dix millions d'hommes sans peur et sans reproche. Mais n'oubliez pas que la force est la seule défense contre les retours de l'instinct barbare. »
On est, rappelons-le, en 1921.
Le 11 mai, Albert 1er s’entretint à New York avec le Prix Nobel de médecine Alexis Carrel.
Puis, il retraversa l’Atlantique pour rejoindre sa Principauté, auréolé d’une gloire nouvelle que l’Amérique lui avait apportée.