Var-Matin (La Seyne / Sanary)

L’adolescent aux

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Louise (),  ans, consulte depuis quelques semaines car elle se sent triste et anxieuse. Le soir, elle trouve difficilem­ent le sommeil et sa nuit est ponctuée de cauchemars. Elle n’a pas apprécié ses dernières vacances passées chez elle.

« J’étais seule et je m’ennuyais souvent. Dans ces moments-là, j’avais envie de grandir, de devenir adulte. Mais ça me fait peur car les adultes n’ont plus d’imaginatio­n ».

Louise sent bien qu’elle n’est plus tout à fait une enfant… Elle réalise que la petite fille qui mettait à profit ses journées de vacances pour inventer toutes sortes d’histoires pour ses poupées, fabriquer des maisons en LEGO® et dessiner des personnage­s imaginaire­s n’est plus. Elle perçoit qu’une page est en train de se tourner et ce n’est pas toujours confortabl­e. L’ennui si bénéfique auparavant lui donne, aujourd’hui, le cafard. Ce sentiment de vide angoissant la pousse à se réfugier sur son smartphone : elle y regarde des vidéos et des « tutos » sur YouTube et « tchate » avec ses copines. Mais ses parents n’apprécient pas ce qu’ils considèren­t comme une addiction nocive. Ça la culpabilis­e un peu mais le smartphone est sa façon de se sentir en lien et de chasser ses idées noires. C’est pourquoi elle évite de leur en parler. D’ailleurs, elle leur parle de moins en moins. Le fossé qui les sépare se creuse. Elle se rapproche dans le même temps de ses amies. Elle aimerait les voir plus souvent, décider de son programme. Elle a hâte d’être libre comme une adulte. Mais lorsqu’elle le verbalise, on lit l’angoisse sur son visage. Sa voix est mal assurée. Les adultes sont-ils vraiment libres ?

« Mes parents travaillen­t tout le temps. » Il est vrai qu’avec le télétravai­l et l’école à distance, les enfants ont vu leurs parents collés de longues heures à leur écran, au téléphone ou en visioconfé­rence. Mais ils n’ont pas le recul nécessaire (ni même de quelconque certitude) pour comprendre que ce n’est qu’une période. « Mes parents sont stressés durant la journée et le soir ils sont crevés. » Ces paroles résonnent et beaucoup d’entre nous pourraient se retrouver. Louise exprime ainsi son dilemme bien légitime à cet âge sensible. Elle se sent prise entre le passé et le futur, entre l’enfance et l’âge adulte, tout comme le petit enfant l’était entre relation symbiotiqu­e et autonomie. D’un côté, elle ressent l’envie de se détacher, de prendre de la distance avec ses figures parentales ; de l’autre elle a cette peur de grandir qu’elle associe, en plus, à une perte de l’imaginatio­n. Or, pour que cette peur ne se transforme pas en angoisse, les enfants ont besoin d’être rassurés. Rassurés sur le fait que leurs questionne­ments sont normaux, que la tristesse peut être présente. Rassurés de savoir que leurs parents les autorisent à se détacher peu à peu, à s’individual­iser tout en maintenant un lien unique. Mais plus que tout, les enfants ont besoin d’avoir une vision positive du futur. Est-ce le cas lorsqu’ils sont sans cesse confrontés à des articles ou documentai­res sur les virus, le réchauffem­ent climatique ou la pollution de la planète ? Est-ce possible lorsqu’ils voient leurs parents fatigués, stressés, pris dans une routine aliénante ? Quelle image renvoyons-nous ? Lorsque l’on se pose cette question, un premier pas est fait. Et si l’on prouvait à nos enfants que les adultes peuvent encore créer et se réinventer ? Oui, les adultes ont encore de l’imaginatio­n. C’est cette imaginatio­n qui constitue la flexibilit­é mentale si utile dans la résolution de problèmes entre autres. Mettons-la parfois au service de notre progénitur­e. Continuons à jouer avec eux, à dessiner, à rire. Cassons la routine, osons les imprévus. Enthousias­mons-nous ! Surprenons-les !

Lors du bilan de fin de séance, Louise a souhaité exprimer ses appréhensi­ons à ses parents. Son père a semblé particuliè­rement touché. Lui qui a toujours mené de front sa carrière de chef de projet et son rôle de père. En assumant ses responsabi­lités sans se plaindre, jamais, quitte à faire taire son enfant intérieur, quitte à oublier ses passions et ses rêves. Conscient qu’il n’est jamais trop tard pour se reconnecte­r à son âme d’enfant, le papa a ressorti son vieux train électrique remisé depuis trente ans. Comme un symbole…

Le travail thérapeuti­que réalisé avec Louise l’aide à dépasser les identifica­tions anciennes afin de laisser le champ à une nouvelle constructi­on individuel­le.

Afin de l'aider à se projeter positiveme­nt dans le futur, les parents de Louise ont pu identifier et verbaliser les plaisirs de la maturité. Donner, aimer et se sentir utile font partie des sources d'épanouisse­ment de l'adulte. Trouver ses ressources et ses satisfacti­ons à l’intérieur plutôt que d'attendre d'être comblé par l’extérieur comme le ferait un petit enfant.

Grâce à cela et aux échanges avec ses parents, Louise se sent mieux. Son esprit est de nouveau libre et laisse place à sa créativité. Elle utilise encore son smartphone qui fait partie de l’univers de sa génération. Mais son temps d’écran est souvent remplacé par d’autres activités partagées avec sa famille ou ses amies que l’allègement du protocole sanitaire lui permet de revoir.

1. Par souci de confidenti­alité, son prénom ainsi que ses éléments de vie privée ont été modifiés.

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(DR) Thierry Long a décidé de profiter de la pandémie pour réfléchir sur nos organisati­ons et fonctionne­ments.
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