Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La Croix-Rouge au coeur

Presque octogénair­e, Simone Long n’arrête pas son combat pour les plus démunis au sein de la Croix-Rouge dans le Var. L’histoire d’une vocation pour celle qui reste tous les jours sur le pont. On ne se rend pas compte qu’on est en train de tuer la société

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L’heure de la retraite a sonné depuis longtemps pour elle. Croyez-le sur parole car Simone Long ne veut pas qu’on donne son âge, qu’elle ne fait d’ailleurs pas du tout ! Le problème, c’est que ce mot, retraite, lui est totalement étranger. «Je ne m’arrêterai jamais ! On me dit que je fais tellement jeune que je continue. Et puis, ça maintient d’avoir une occupation et de toute façon, je ne pourrai jamais cesser d’aider les gens », clame cette vieille dame élégante qui a voué sa vie aux plus démunis au sein de la Croix-Rouge française. Un engagement, jusqu’au niveau national, qui a lui valu d’être promue commandeur de la Légion d’honneur sous la prési- dence de François Hollande, une distinctio­n rare chez une femme. Simone Long est née de l’autre côté de la Méditerran­ée, en Tunisie. Arrivée en France en 1956, elle s’engage dans la Croix-Rouge dix ans plus tard, un peu par hasard. Alors que son mari prépare son doctorat en droit, son père notaire décède et un autre arrive pour reprendre l’étude le temps qu’il passe ses examens. «Une femme comme vous, il faut qu’elle s’occupe, m’a-t-il dit. C’est comme ça que je suis rentrée à la CroixRouge, d’abord au comité de Saint-Tropez. »

C’est le début d’une vocation et d’un parcours étonnant. Simone Long prendra la présidence du Golfe de Saint-Tropez en 1970, puis celle du comité départemen­tal en 1984 et trois ans plus tard débutera une période de quinze années comme administra­teur national de la Croix-Rouge et pendant douze ans en qualité de première vice-présidente ! Elle qui en fut également présidente régionale demeure aujourd’hui présidente honoraire du Var. Durant ces différents mandats, Simone Long a créé différents établissem­ents : un centre de radiothéra­pie, des foyers de vie, un institut médico-social ou encore un institut de formations sociale et sanitaire qui fonctionne avec 1 200 étudiants à Ollioules.

Sa fierté : une épicerie solidaire

Revenue à ses premiers amours à l’antenne du Golfe basée à Sainte-Maxime, cette Grimaudois­e, qui a également été conseillèr­e municipale, puis adjointe au maire pendant vingt ans, n’en reste pas moins hyperactiv­e. De son expérience d’élue, elle parle sans regret et toujours avec son franc-parler : « Il y a un temps pour tout et puis simplement servir de chambre d’enregistre­ment... Ce n’est pas très intéressan­t. »

Sa dernière fierté en revanche, l’ouverture d’une épicerie solidaire en octobre dernier : «Le mercredi et le vendredi matin, nous distribuon­s aux gens de quoi se nourrir pour la semaine. Et ce sont des paniers très importants, avec de bons produits frais et surgelés, grâce à une convention passée avec la Banque alimentair­e et les partenaria­ts que nous avons avec de nombreux commerces et supermarch­és locaux. On a cette chance et je les en remercie car il faut voir ce qu’ils nous donnent en produits de date courte, c’est incroyable : des fromages, des yaourts, du beurre, des sandwichs, des viennoiser­ies. Plutôt que de jeter, ils défiscalis­ent : tout le monde s’y retrouve et on fait des heureux. Avec la Banque alimentair­e, on a eu dernièreme­nt en surgelés des pintades, des steaks hachés, des blancs de poulet, des poissons panés, des crevettes... Cette semaine, on a ainsi pu servir 123 personnes et pas seulement

Texte : Émeric CHARPENTIE­R Photos : Clément TIBERGHIEN en produits secs. On leur fait des paniers qui dépassent les 70 euros et les gens n’en reviennent pas ! On ne fait pas l’aumône : je pars toujours du principe qu’il faut respecter toutes ces personnes en difficulté, les traiter avec beaucoup d’égards et d’attention. D’humanité et d’empathie, c’est bien ce qui manque aujourd’hui. »

Parmi ces bénéficiai­res, une population maghrébine dont elle parle avec respect et avec le coeur, forcément. « Il faut les aider car ce sont des Français qui ont fait la France et ont aujourd’hui des retraites misérables. Pour la plupart, ils ont travaillé très jeunes mais n’ont pas cotisé. Ils sont au RSA ou au minimum vieillesse. Et quand on voit des personnes de 80 ans qui vous disent : ‘‘Merci madame, grâce à vous, je peux manger’’, c’est la plus belle récompense. »

Une solitude terrible

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Mais Simone Long est inquiète. « On voit toute la misère qu’il y a chez nous et qui va aller en grandissan­t, je le crains. »

L’impact de la crise du Covid19? « Absolument, il y a des gens que l’on n’avait jamais vus auparavant et qui maintenant viennent. On les aide aussi en faisant des bons pour participer à des factures d’eau, d’électricit­é, de cantine. »

Alors, elle est toujours sur le pont, tous les jours. « Des amis me disent : ‘‘Mais qu’est-ce que tu t’empoisonne­s, à ton âge. Va jouer au golf, tous les jours !’’ Alors oui, je joue au golf mais je prends aussi le temps d’aider les autres. Vous savez, quand on voit des personnes arriver en pleurs et repartir avec le sourire, ça fait plaisir. On prend le temps de parler avec les gens car avec le confinemen­t, ils ne se voient plus. Il y a une solitude terrible qui s’est installée, avec des dégâts sanitaires et sociaux épouvantab­les. On ne se rend pas compte qu’on est en train de tuer la société. »

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