Var-Matin (La Seyne / Sanary)

MARATHON MAN

ATHLÉTISME. Nicolas Navarro s’est pris au jeu ! Et il est pris pour les Jeux. Le Craurois de  ans, au parcours atypique, courra le marathon des JO de Tokyo, le  août. Il vient de valider une sélection acquise il y a plus d’un an. Il confie ses ambition

- PROPOS RECUEILLIS PAR GUILLAUME RATHELOT

À30 ans, il va découvrir les JO, dans une drôle d’ambiance – sans public ni proches. Qualifié fin 2019, à l’issue du marathon de Valence bouclé sous les minima, Nicolas Navarro a dû repasser un test de niveau le week-end dernier en forêt de Sénart. Validé. Le Varois, désormais installé à Aix-enProvence, reçoit chez ses parents, à La Crau, en compagnie de son frère aîné, Julien, figure locale de la course à pied. Pour l’occasion, il revêt un maillot de l’équipe de France qu’il ne s’était jamais imaginé porter un jour. Issu du cyclisme, il a éclos sur le tard, ce qui ne plaît pas à tout le monde...

Ça y est, la qualif’ est enfin validée...

C’est un poids en moins ! Il y avait une certaine pression parce que si je ne faisais pas le chrono demandé lors de ce test ( km à l’allure des minima olympiques, soit , km/h de moyenne), je n’allais pas aux Jeux. Ça s’est plutôt bien passé, maintenant on peut se projeter.

Vous bouclez le marathon en moins de  h . Où est-ce que ça doit vous situer aux

JO ?

Avec le parcours et les conditions (chaleur et humidité), ce ne sera pas une course pour faire un chrono. Il faudra plutôt regarder le classement et se situer par rapport aux adversaire­s. On sera entre  et  au départ. Si je peux finir dans les trente premiers, ce sera déjà une bonne performanc­e.

Même sur un malentendu, vous ne rêvez pas à une médaille ?

Ouais, on en rêve la nuit (rires), mais dès qu’on est à l’entraîneme­nt, non, pas trop... Je sais très bien que je ne l’ai pas dans les jambes. Et ça ne sert à rien de me dire que je vais partir pour la médaille, sinon je vais exploser et finir loin... Si je finis.

La préparatio­n a été spéciale...

Préparer un marathon, c’est déjà particulie­r, avec des semaines à plus de  km. Et là, il faut aussi s’habituer aux conditions de làbas. Je vais essayer de m’entraîner à des heures un peu chaudes. Et je suis parti en mars à La Réunion pour m’acclimater à l’humidité... Bah ! On souffre plus rapidement. Le cardio monte beaucoup plus vite et il a du mal à redescendr­e. On transpire bien plus et il y a toute une stratégie à revoir au niveau de l’hydratatio­n, sinon on peut vite avoir une défaillanc­e.

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Si je peux finir dans les trente premiers, ce sera déjà une bonne performanc­e”

Crise sanitaire oblige, votre dernier marathon remonte à décembre, à Valence (record à la clé en h’)... Est-ce normal ?

Non, justement, c’est pour ça que je pars courir un semi le week-end prochain en Autriche. Pour remettre un dossard et retrouver les sensations en compétitio­ns. C’est important pour les repères. Après, en temps normal, je ne cours que deux marathons par an. C’est déjà pas mal car il faut récupérer puis refaire une prépa.

Vous êtes sur une discipline où on se révèle sur le tard. Quelle est encore votre marge de progressio­n ?

Je sais qu’à  ans, on peut encore progresser et performer. L’objectif le plus proche, c’est le record de France, à h’. Je le tenterai peut-être à la fin de l’année à Valence, en prenant des risques. Mais les  h, on oublie !

Paris , en revanche ?

Les JO de Paris, je m’y projette carrément. C’est sûr que je m’y vois, d’autant que je ne sais pas si ça passera pour Los Angeles en . Et que j’ai envie de faire un marathon dans des conditions normales, surtout à domicile. Le Japon, ce n’est qu’une étape.

Vous êtes plusieurs Français autour du même temps et les

places sont chères. Comment se passe la concurrenc­e entre vous ?

Avec Morhad et Hassan (lire le chiffre), on a de bonnes relations. Il faut qu’on s’entraide ! On va être confinés ensemble à l’hôtel pendant quinze jours en arrivant au Japon (), s’il y a une mauvaise ambiance, ça va être long (rires). Avant que la sélection soit faite, bien sûr la concurrenc­e existe. Mehdi Frère (meilleur Français à Valence... en ) l’aunpeuen travers, mais ce n’est pas de notre faute si les Jeux ont été décalés.

Ce maillot, que représente-t-il ?

C’est une grande fierté de recevoir la valise avec toutes les tenues « France ». C’est une certaine pression aussi le jour de la course, car on se dit qu’on ne peut pas abandonner ni passer au travers. Même s’il ne faut pas s’enflammer non plus !

En équipe de France, entre les pistards et les marathonie­ns, n’êtes-vous pas un peu à part ?

Si, si ! L’athlé, on court, mais au final, on ne fait pas du tout le même sport. Un peu comme les marcheurs, c’est un autre milieu. Notre discipline est ingrate, il y a beaucoup de sacrifices pour peu de reconnaiss­ance. Même si ce n’est pas ce qu’on recherche à la base, des fois, on se dit qu’on n’a pas choisi le bon sport. Mais ça ne me ferait pas aller sur la piste pour autant. Je préfère les efforts longs.

Vous avez fini votre premier marathon, en , en h. C’est loin ?

Très loin. J’avais  ans, j’étais encore jeune et je courais sans préparatio­n, à l’arrache. Mais c’était une belle expérience. C’est là que j’avais vu que j’aimais le marathon. C’est l’épreuve la plus mythique, c’est ce qui me motivait. À la base, c’était plus un défi qu’autre chose.

En , vous rejoignez le club d’Aix. Pourquoi ?

Juste avant, j’ai fini e à MarseilleC­assis, mais je m’entraînais comme ça, au Pradet... Je savais que j’avais un bon niveau, mais là, au moins, j’avais un vrai plan de travail pour progresser, même si je n’avais absolument pas les JO en tête à cette époque-là.

Vous en aviez peut-être aussi marre de gagner toutes les courses pédestres du Var, ou de votre frère, qui vous battait ?

Non, non, je n’avais pas peur de lui (les deux se marrent, alors que Julien rappelle qu’il l’attendait au sommet de la célèbre montée du Faron). Et le Var, c’est quand même sympa pour courir !

Vous vous êtes rendu au Kenya, le Graal pour un marathonie­n...

J’y suis allé en , mais j’ai eu une intoxicati­on alimentair­e avec du lait, je suis rentré plus vite que prévu (rires)... J’y suis retourné cinq semaines en , à Iten, le village des coureurs, où ils ne vivent que pour ça. Une super expérience, pour le côté humain aussi.

C’est quoi, alors, le secret des Kenyans pour tout gagner ?

Ils ne font que courir ! Ils courent, ils dorment, ils mangent, ils courent, ils dorment, ils mangent. Ils le font pour en vivre, alors que nous, on court avant tout pour le plaisir. Et puis en France, vivre du marathon, c’est très compliqué ! Ce n’est pas parce qu’on fait les Jeux qu’on est pro et riche (luimême est en disponibil­ité de son travail chez Décathlon, Ndlr).

Vous avez dit un jour que le fait de ne pas venir du monde de l’athlé en faisait chier certains... Que voulez-vous dire ?

Quelques coureurs se disent que je viens du monde du vélo et que je suis dopé. Des trucs comme ça. Ça dérange certains que j’arrive presque de nulle part et que je prenne la place de ceux qui ont fait toute l’école d’athlétisme. Ça fait parler, il faut faire avec...

En cyclisme, justement, en cadets, vous battiez un certain Christophe Laporte...

C’est vrai ! Il était au VS Hyérois, on faisait toutes les courses ensemble, surtout sur le Tour du Var. Moi, j’avais le maillot jaune et lui celui de meilleur jeune, parce qu’il a un an de moins. À l’époque, j’étais meilleur que lui, mais je pense que maintenant, y’a pas photo (rires). Le vélo, c’était une bonne époque. Mais après une chute en juniors, je l’ai mis de côté, d’autant que je commençais à sortir : les copines, les boîtes de nuit... Même le sport, j’ai arrêté. Puis je me suis mis à courir en . Avant ça, à part les cross à La Londe ou à Fabrégas...

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Les JO de Paris je m’y projette carrément !”

1.Autres réjouissan­ces : même s’il est vacciné, il recevra un test PCR tous les jours et n’aura droit qu’à un entraîneme­nt de 5 km par jour, dans un parc.

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 ?? (Photo Manon Scarzello) ?? Très bon cycliste chez les jeunes, Nicolas Navarro a commencé la course à pied en , « à l’arrache ». Neuf ans plus tard, le voilà au départ d’une épreuve olympique.
(Photo Manon Scarzello) Très bon cycliste chez les jeunes, Nicolas Navarro a commencé la course à pied en , « à l’arrache ». Neuf ans plus tard, le voilà au départ d’une épreuve olympique.

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