Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le savon de Marseille peut venir de l’étranger

- V. G.

Synonyme de propreté et d’authentici­té, il sent bon comme la maison de notre grand-mère. On l’imagine produit non loin du port qu’une célèbre sardine aurait bouché… Pourtant, aujourd’hui, il est très difficile pour le consommate­ur d’être certain qu’il achète un savon de Marseille traditionn­el. Ce serait même plutôt le contraire. La dénominati­on « savon de Marseille » peut en effet être apposée, légalement, sur n’importe quel savon, partout dans le monde, car elle n’est pas protégée. Et les produits présentés sur les étals des marchés ou dans les rayons des magasins de souvenirs et autres grandes surfaces viennent très souvent de l’étranger. Pour se distinguer, deux groupes de fabricants cherchent une reconnaiss­ance et une protection.

Fabriqué selon un procédé marseillai­s

D’un côté, les quatre fondateurs (Les savonnerie­s du Fer à Cheval, Marius Fabre, le Sérail et du Midi )de l’Union des Profession­nels du Savon de Marseille (UPSM) ont déposé un dossier auprès de l’Institut national de la propriété industriel­le (INPI) pour que le savon de Marseille soit reconnu et protégé par une Indication géographiq­ue de production industriel­le et artisanale (IGPIA).

En attendant l’IGPIA, ils conseillen­t de lire l’étiquette pour reconnaîtr­e un savon de Marseille authentiqu­e : « Il compte un maximum de sept ingrédient­s dont 72 % d’huiles exclusivem­ent végétales, il est sans parfum, sans colorant, sans conservate­ur, sans additif et il est de forme géométriqu­e simple (cube, rectangle, ovale). Il est fabriqué (saponifié) à Marseille ou dans sa région, le départemen­t des Bouches-du-Rhône, selon un procédé marseillai­s traditionn­el en cinq étapes, qui dure entre cinq à dix jours », indique Julie Bousquet-Fabre, présidente de l’UPSM et codirigean­te de la savonnerie Marius-Fabre. Selon ces critères, le savon de Marseille traditionn­el peut être de deux types de couleurs : vert, à base notamment d’huiles d’olive et de coprah ou à base d’huiles d’olive, de palme et de coprah, ou blanc beige, à base notamment d’huiles de coprah et de palme. À ce jour, leur savon dispose d’un logo qui représente leur marque.

Périmètre géographiq­ue

De l’autre côté, plusieurs fabricants industriel­s répartis dans l’hexagone considèren­t que ce produit n’est pas que marseillai­s. Ils ont créé l’Associatio­n savon de Marseille France (ASDMF) qui se positionne auprès de l’INPI avec une demande d’IGPIA « Savon de Marseille France ».

Ils défendent une appellatio­n en tant que procédé de fabricatio­n sur un périmètre géographiq­ue national. « Le savon de Marseille est

Le savon de Marseille, dénominati­on qui n’est pas protégée, est l’objet d’une bataille entre les garants de la tradition et les modernes.

produit partout ou presque en France depuis des siècles. Nous, on produit à 70 % pour d’autres. On vend du semi-fini y compris à des Marseillai­s. Notre définition, c’est un produit saponifié à base de soude, toutes les huiles autorisées, pouvant être fait en chaudron ou en continu. Pourquoi ne pourrait-il pas être parfumé et coloré ? Il faut vivre avec son temps », souligne son président Pascal Marchal. Et il regrette : «La filière française n’a pas réussi à s’entendre ».

« On ne veut pas empêcher les fabricants de l’ASDMF d’inscrire sur leurs produits « savon de Marseille ». Nous comptons une centaine de salariés et réalisons une production de niche, qui ne peut pas inonder toute la planète, précise Mme Bousquet Fabre. Mais on revendique un petit signe distinctif, représenté par une empreinte digitale à côté des initiales

IG, qui est la reconnaiss­ance de notre indication géographiq­ue, notre savoir-faire lié à notre territoire ». En résumé, à moins de l’acheter dans la savonnerie ou sur le site internet de l’un des quatre membres fondateurs de l’UPSM, vous n’êtes pas en présence d’un savon de Marseille produit selon le procédé marseillai­s, à Marseille et ses alentours.

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(Photo Philippe Arnassan)

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