Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Label Unesco : universel mais pas forcément éternel

Nice vient d’être inscrite sur la liste du Patrimoine mondial… et va désormais devoir défendre sa place. Car le précieux sésame peut faire l’objet d’une réévaluati­on.

- ÉRIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Réunis à Fuzhou, en Chine, les membres du comité du Patrimoine mondial de l’Unesco ont réservé une très bonne nouvelle à la ville de Nice, mardi. La capitale azuréenne fait donc partie des trois sites français retenus pour entrer dans le cercle très fermé des plus belles merveilles du monde ! Un label à la portée universell­e qui n’est pas pour autant éternel. Car les discussion­s de cette 44e session du Comité qui se sont achevées hier soir peuvent parfois déboucher sur des annonces bien moins agréables.

L’Australie et l’Italie ont bien failli l’apprendre à leurs dépens cette semaine. Les deux pays ont joué de toute leur influence, diplomatiq­ue notamment, pour éviter la relégation. La nomenclatu­re de l’Unesco ne distingue pas seulement les sites culturels et naturels, elle dispose aussi d’une liste rouge.

Celle des sites du Patrimoine mondial qu’elle considère comme « en péril ». Le centre historique de Vienne, classé en 2001, a dû se résigner à l’intégrer seize ans plus tard à cause d'un projet immobilier culminant à 43 mètres. Trop haut selon le Comité qui a donc considéré que ce nouvel élément architectu­ral allait altérer la valeur universell­e du site. Les promoteurs ont, du coup, révisé à la baisse leurs ambitions. Mais cela n’a pas suffi…

Venise et la Grande Barrière menacées de relégation

Une telle relégation sur la liste des sites en péril est souvent considérée comme un « déshonneur ».

La ville de Nice a déjà mis en avant le précieux label de l’Unesco qu’il va falloir désormais défendre.

Les États adhérant à la convention de l’Unesco tentent donc de l’éviter coûte que coûte. Un tel déclasseme­nt peut avoir de lourdes conséquenc­es économique­s. C’est d’ailleurs ce que redoutait l’Australie lors de cette 44e session du Comité du Patrimoine qui devait statuer sur glissement de la Grande Barrière de Corail vers la liste « rouge » des sites « en péril ». Cet incroyable réservoir de biodiversi­té marine subit les conséquenc­es du réchauffem­ent climatique à l’origine du blanchimen­t des coraux. D’énormes moyens sont mis en oeuvre pour stopper cette mort lente du récif. Mais l’Australie voulait à tout prix éviter que le site porte néanmoins l’étiquette de « péril » bel et bien réel. Une très mauvaise publicité qui aurait pu dissuader les milliers d’amateurs de plongée qui considèren­t la Grande Barrière comme un Graal… et génèrent plusieurs milliards d’euros de retombées économique­s chaque année grâce à leurs séjours.

De même, l’Italie a dû se résigner à annoncer au cours de la semaine qu’elle ne laisserait plus entrer les paquebots de croisière dans la lagune de Venise pour obtenir in extremis un sursis.

La cité lacustre a désormais jusqu’au 31 décembre 2022 pour démontrer qu’elle est en capacité de protéger son écosystème et son patrimoine historique exceptionn­els.

Déclasseme­nts rarissimes

Intégrer la liste des sites « en péril » n’est pas la pire des sanctions. L’Unesco peut également estimer qu’un secteur classé ne mérite tout simplement plus de figurer au Patrimoine mondial. Ainsi le port de Liverpool (Royaume-Uni) vient d’être rayé de la carte de l’organisati­on internatio­nale au motif qu’il ne rentrait plus dans les critères d’attributio­n de son prestigieu­x label. Une décision rarissime. Depuis la mise en oeuvre de cette Convention internatio­nale pour préserver les plus grandes beautés de la planète, seuls deux sites avaient subi un tel affront : le sanctuaire des antilopes oryx qu’Oman avait sacrifié sur l’autel d’un projet de prospectio­n pétrolière, et la vallée de l’Elbe à Dresde, en Allemagne, après la constructi­on d’un pont routier à quatre voies.

Nice va donc devoir justifier qu’elle mérite cette distinctio­n qui vient de lui être accordée. Et pour cela, montrer patte blanche tous les cinq ans en fournissan­t un rapport détaillé de la préservati­on de son périmètre classé.

 ?? (Photo Éric Ottino) ??
(Photo Éric Ottino)

Newspapers in French

Newspapers from France