Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le vignoble alsacien décimé par le mildiou

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« C’est comme sur un champ de bataille, on compte les rescapés » : dans ses vignes plantées sur les hauteurs d’Obermorsch­wihr (Haut-Rhin), Stéphane Bannwarth tente de sauver ses raisins des ravages du mildiou, et s’inquiète déjà pour sa récolte 2022.

« Ici c’est le dernier endroit où il devrait y avoir un impact fort de mildiou : on est en haut de coteau, loin de la forêt, en plein vent, il n’y a pas d’humidité naturelle », témoigne le vigneron de 55 ans, dont le domaine est installé sur les premières collines du massif des Vosges.

 % de pertes

Pourtant, il suffit de faire quelques pas dans les rangs pour que les dégâts sautent aux yeux : les feuilles sont flétries, noircies, et les raisins ont séché pour former de minuscules petites boules noires, quand ils ne sont pas tout simplement tombés.

« Il n’y a vraiment plus grand-chose », se désole-t-il, manipulant les grains au creux de sa main. « Normalemen­t, un pied c’est entre 25 et 30 grappes. Là, on a un raisin tous les 5 pieds. Et le plan de palissage même chose : on devrait avoir des feuilles partout. Là on voit au travers. »

Début juin, la saison s’annonçait pourtant « excellente ». « La présentati­on du végétal était magnifique. Les vignes étaient dans la vitalité, poussaient droit. Tous les critères étaient au beau fixe. » Mais en quelques semaines, le mildiou a anéanti les efforts de « toute une année de travail ». « Si j’arrive à récolter 30 % du potentiel de départ, je serai content », confie ce producteur de gewurztram­iner, riesling et pinot gris. La moitié de ses 12 hectares ne sera pas vendangée. « Ce serait de la ballade », confie-t-il un peu amer.

Précipitat­ions abondantes

La météo inhabituel­le explique la propagatio­n inédite du champignon, sans être nécessaire­ment liée au changement climatique. Depuis début juin, le départemen­t a enregistré des précipitat­ions abondantes, 260 millimètre­s d’eau, soit 160 % des normales saisonnièr­es. « Le facteur primordial, c’est l’humidité, qui est le vecteur de ces maladies », explique Marc Tardy, climatolog­ue chez Météo-France. «Onadessols saturés en eau et des températur­es fraiches, sous les normales saisonnièr­es. Il y a donc une forte humidité autour des plantes, ça se condense sur les feuilles, et ça favorise le développem­ent du champignon. »

Ces mauvaises conditions ont également affecté d’autres vignobles, en Bourgogne ou dans le bordelais, de manière assez contrastée. Le Comité interprofe­ssionnel du vin de Champagne déplore, lui, entre 20 et 25 % de pertes.

En Alsace, une attaque d’une telle ampleur est inédite depuis au moins deux génération­s. « La plupart de nos vignes ont été plantées dans les années 1950 », se remémore Suzanne, la mère de Stéphane Bannwarth, âgée de 83 ans. «Du mildiou comme ça, je n’en ai jamais vu. Ça fait mal au coeur », témoigne celle qui a transmis l’exploitati­on à son fils dans les années 1980.

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