Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Maintenant, on est dans le dur, il faut que cela soit suivi d’effets »

Aurore Boyard, avocate à Toulon, experte au Comité de l’ordonnance de protection

- PROPOS RECUEILLIS PAR SO. B.

Avocate au barreau de Toulon, Aurore Boyard est experte au sein du Comité national de l’ordonnance de protection. Ce comité est chargé, par le ministère de la Justice, de suivre l’applicatio­n d’une loi récente. Le dispositif permet la protection d’une victime de violences conjugales. Même avant un dépôt de plainte.

Le gouverneme­nt veut mettre les dossiers de violences au sein du couple sur le haut de la pile. Vous y croyez ?

C’est bien de parler des femmes victimes (et des hommes victimes aussi), mais on n’est pas arrivés au bout. Il faut encore arriver à décrypter ces mécanismes.

Ce que Gérald Darmanin a dit, il faut le faire. Le manque de personnel, cela fait trente ans qu’on le dénonce. Mais c’est de magistrats et de greffiers supplément­aires dont on a besoin. C’est récurrent et c’est criant.

Où en est le Var ?

Les avocats ont un rôle à jouer et doivent être entendus. Dans le Var, un protocole unique en France a été signé entre le barreau de Toulon et la Caisse d’allocation­s familiales, pour délivrer une aide d’urgence à laquelle une victime a droit, pour se reloger. Cela va essaimer en France. Également, une maison des victimes de violences conjugales va ouvrir à La Seyne, en septembre, grâce au soutien de la mairie et de la Région. Ce sera un guichet unique, avec des associatio­ns, médecins, avocats, psychologu­es. Cela change tout pour une victime.

Vous défendez le recours à l’ordonnance de protection. Pourquoi estce un outil si important ?

Le recours à l’ordonnance de protection a plus que doublé. Il faut que les femmes (même sans avocat), les avocats et les parquets continuent de la demander. C’est une décision de justice civile, non pas pénale, rendue dans un délai de six jours – et ce délai est globalemen­t respecté. Avec une ordonnance de protection, il suffit à une victime d’apporter la preuve de violences « vraisembla­bles ». Elle ne nécessite pas forcément un dépôt de plainte ; elle peut se baser sur des textos, des certificat­s médicaux circonstan­ciés. C’est une mesure de prévention, qui laisse le temps de trancher le dossier sur le fond.

Qu’est-ce qui pêche aujourd’hui ?

On manque de travail interprofe­ssionnel, on ne travaille pas encore tous ensemble. Nous devons être pluridisci­plinaires et, avec tous les acteurs présents, dont les services préfectora­ux. Dans un suivi, il pourrait y avoir dix à douze intervenan­ts ; le compte n’y est pas.

Est-ce que le phénomène vous semble mieux pris en compte ?

Le problème a été tellement minimisé pendant des années. Enfin, les femmes osent parler et enfin, on commence à s’en rendre vraiment compte. Maintenant, on est dans le dur, il faut que cela soit suivi d’effets. On a besoin de moyens et de gens formés.

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