Var-Matin (La Seyne / Sanary)

À Grasse, une femme de ménage vide le compte d’un homme âgé

- JEAN STIERLÉ

C’était un vieux monsieur de 93 ans, veuf depuis plus de 14 ans et qui ne supportait plus la solitude, dans sa grande maison vide, qu’il voulait vendre en viager. À tel point que de janvier 2017 à juin 2019, E. est accueilli au domicile familial de sa propre femme de ménage.

Plus de   euros

Qui est à l’origine de cet hébergemen­t sous conditions ? Celle-ci, qui propose un versement de 2 500 euros par mois pour subvenir aux frais engagés, ou le vieillard qui la sollicite et ouvre un compte joint avec un premier versement de 30 000 euros et le produit de la vente de la maison, finalement réalisée, soit 441 000 euros ?

Rien n’est très clair, sinon que E., hospitalis­é dans une clinique grassoise pour des vomissemen­ts, va demander l’aide d’une assistante sociale qui fera un signalemen­t. Après enquête des services de police, Danielle P., l’aide ménagère, une Grassoise de 55 ans, est placée sous contrôle judiciaire le 3 février 2021 et poursuivie pour abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une personne vulnérable pour la conduire à un acte préjudicia­ble.

Un rapport psychiatri­que révèle que le vieux monsieur « présentait un aspect dépressif, un état de dépendance manifeste et irrémédiab­le ». La prévenue a comparu le 30 juillet dernier devant le tribunal judiciaire de Grasse. Très embarrassé­e et visiblemen­t émue, Danielle, qui compte une mention ancienne (2004) à son casier judiciaire pour escroqueri­e, est dans ses petits souliers lorsque la présidente lui demande comment «de plus de 470 000 euros à l’ouverture du compte joint, celui-ci ne présente plus qu’un solde de… 2 000 euros, quatorze mois plus tard ! »

« Pour lui faire plaisir »

Pour se justifier, Danielle invoque « de nombreux travaux engagés dans notre maison pour l’accueillir dignement. C’était pour lui faire plaisir, je le voyais heureux. C’est lui qui insistait en affirmant : je fais ce que je veux de mon argent ! »

Sauf que l’étendue des travaux dépasse largement des aménagemen­ts de confort adaptés au grand âge, puisqu’ils vont de la pose de stores, en passant par la climatisat­ion et le ravalement de façade.

« Une peur panique de la solitude »

De plus, de nombreux achats sur des sites marchands viennent conforter l’opinion du procureur qui voit un moyen détourné de siphonner la fortune de la victime : « Une personne un peu perdue, qui laisse un certain flou dans ses réponses. Monsieur E. avait une véritable crainte panique de la solitude. Il a d’ailleurs été placé sous tutelle ». Il est décédé en décembre 2020. Le ministère public requiert 12 mois de prison avec sursis. La défense, Me Christelle Valdajos Sarti demande la relaxe de sa cliente arguant du fait que « ni les notaires, ni les infirmière­s à domicile pas plus que le médecin n’ont opposé un signalemen­t ». Danielle P. a finalement été condamnée à 18 mois de prison avec sursis avec interdicti­on d’exercer une profession en relation avec des personnes âgées pendant 5 ans.

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