Jean-Claude Guibal, maire de Menton, s’en est allé
Un portrait de son épouse disparue, Colette Giudicelli, trônait à gauche de son bureau depuis un an. En mémoire de celle qui l’épaula durant pratiquement toute sa vie politique mentonnaise. En souvenir du tandem indissociable qu’ils formaient à la tête de la Ville. Ce sont désormais des photos de lui, Jean-Claude Guibal, qui circulent en hommage sur les réseaux sociaux. Alors que la mort du maire, victime d’une attaque cardiaqueà son domicile a été annoncée hier matin, provoquant un fort émoi chez les politiques et acteurs de la vie régionale.
Né à Ajaccio le 13 janvier 1941, Jean-Claude Guibal avait 80 ans. Si, ces derniers temps, il apparaissait en public avec une canne, personne n’imaginait vraiment qu’il puisse un jour quitter « sa » commune. Définitivement. « J’adore m’occuper de Menton. J’aime cette ville, ce que l’on peut faire avec et pour elle », assurait-il en 2020, dans son interview de candidature à un sixième mandat.
re victoire surprise
Passé par HEC, Sciences Po Paris, puis l’ENA, Jean-Claude Guibal figura pour la première fois sur une liste municipale mentonnaise – où les noms étaient rangés non par importance mais par ordre alphabétique – en 1977, auprès de Francis Palmero. Avant de se faire élire en 1989, défiant tous les paris. Le général Aubert était donné gagnant au premier tour. Mais c’est bien le jeune candidat CDS (Centre des démocrates sociaux) qui réunit 40,55 % des suffrages ce soirlà, avant de l’emporter avec près de 70 % des votes. Jean-Claude Guibal, centriste passé au RPR, sera réélu au premier tour en 1995 et en 2001, avant de rencontrer un caillou dans sa chaussure en 2008. Ne remportant « que » 48,62 % dans un premier temps, il en est effet contraint à prolonger sa campagne d’une semaine. En 2014, c’est de nouveau au second tour qu’il l’emporte. Rebelote en 2020. Difficile de résumer trente ans de gestion de Menton, tant l’homme l’a marqué de sa patte avec des projets d’envergure.
Vingt ans de députation
Il fut également député de 1997 à 2017. Membre de la commission des affaires étrangères entre 2002 et 2017, il fit notamment parler de lui pour un rapport sur la « Stabilité et le développement de l’Afrique francophone », co-écrit avec le député PS Philippe Baumel. Et (fait rare) retoqué pas la présidente de commission. Où il était question d’un continent en perdition, d’États de plus en plus défaillants, d’une croissance démographique trop importante comparée à la croissance économique… Passionné par la Méditerranée et toutes les thématiques inhérentes, il contribua notamment à l’élaboration d’un rapport sur Daesh. Car lui qui aimait à raconter qu’il se sentait bien dans le sud, une terre de confrontation éloignée des rapports humains aseptisés, n’hésitait pas à monter au créneau quand il le jugeait nécessaire. Préférant la franchise à la bouderie. Refusant la politique de l’autruche quand des scandales pointaient, entre autres sous la plume du Canard enchaîné. Polémique des cigares, affaire Bygmalion, et, plus récemment, de la SPL des ports de Menton, critiques régulières des oppositions à l’égard d’une gestion clanique de la Ville. Mais les habitants sont surtout nombreux à pleurer un homme accessible, peu sensible au phénomène de cour qui entoure souvent les politiques. Un maire qui a su embellir leur ville. Un élu LR un peu à part, prêt à exprimer un avis personnel et non la seule voix du parti majoritaire dans le département. Un des rares à ne pas tomber dans la tendance des éléments de langage. Et ses longs discours ponctués de digressions philosophiques – qui faisaient jusqu’alors sourire l’assistance – pourraient bien, désormais, manquer.