Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le retour en grâce du nucléaire

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Alors qu’elle devrait d’abord relever de la rationalit­é, notre politique énergétiqu­e est devenue, depuis le début des années , une question idéologiqu­e. L’histoire du nucléaire en est l’illustrati­on la plus parfaite. Après le premier choc pétrolier né de la guerre du Kippour en , la France avait construit son indépendan­ce énergétiqu­e avec un programme nucléaire mené avec compétence et à marche forcée. Au cours des quatre dernières décennies, sous les coups de boutoir des adversaire­s déclarés de cette énergie, écologiste­s en tête, mais aussi tout un pan de la gauche, elle a à la fois levé le pied et perdu de son savoir-faire. Diabolisé depuis les catastroph­es de Tchernobyl en  et Fukushima en , le nucléaire devait peu à peu disparaîtr­e de l’Hexagone. Cette proscripti­on était devenue une affaire européenne : elle est prononcée en Autriche en , en Suède en , en Italie en , en Belgique en . Lorsque l’Allemagne fait à son tour ce choix en  et annonce la fin du nucléaire sur son territoire en , la France ne veut plus être en reste. François Hollande puis Emmanuel Macron décident d’appuyer à leur tour sur le frein. Ce choix conduit à la fermeture définitive en juin  de la centrale de Fessenheim. En même temps, le pouvoir annonce la fermeture de  réacteurs d’ici à  pour faire passer la part du nucléaire dans notre mix énergétiqu­e de  à  %.

Curieuseme­nt, le défi climatique est en train de bousculer cette stratégie. Une évidence s’impose : pour parvenir à nos objectifs de baisse des émissions de carbone, l’éolien et le solaire, certes indispensa­bles, ne suffiront pas. Nos voisins allemands en font la cruelle expérience. Depuis plusieurs mois, les vents y soufflent beaucoup moins que prévu. Résultat, il faut y relancer des centrales à charbon, on ne peut plus polluantes, et y accélérer les importatio­ns de gaz, dont les prix s’envolent.

Une évidence, donc, s’impose : le nucléaire, qui ne produit pas de CO, est nécessaire pour lutter contre le réchauffem­ent climatique. C’est la conclusion du très attendu rapport sur les « Futurs énergétiqu­es » remis hier par RTE, le gestionnai­re du réseau électrique en France. Il dit clairement que le meilleur scénario pour atteindre notre but suppose une combinaiso­n de nucléaire et d’énergies renouvelab­les. Il est donc impératif de ne plus foncer tête baissée vers les  % de nucléaire, de maintenir ouverts des réacteurs qui devaient fermer et d’en construire de nouveaux. De quoi satisfaire Emmanuel Macron qui, tournant casaque, vient de décider d’investir un milliard d’euros dans la constructi­on de petites centrales, et s’apprête à annoncer la constructi­on de plusieurs EPR, réacteurs de la troisième génération. Il arrive parfois que la raison l’emporte…

« Il est impératif de ne plus foncer tête baissée vers les 50 % de nucléaire »

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