Le retour en grâce du nucléaire
Alors qu’elle devrait d’abord relever de la rationalité, notre politique énergétique est devenue, depuis le début des années , une question idéologique. L’histoire du nucléaire en est l’illustration la plus parfaite. Après le premier choc pétrolier né de la guerre du Kippour en , la France avait construit son indépendance énergétique avec un programme nucléaire mené avec compétence et à marche forcée. Au cours des quatre dernières décennies, sous les coups de boutoir des adversaires déclarés de cette énergie, écologistes en tête, mais aussi tout un pan de la gauche, elle a à la fois levé le pied et perdu de son savoir-faire. Diabolisé depuis les catastrophes de Tchernobyl en et Fukushima en , le nucléaire devait peu à peu disparaître de l’Hexagone. Cette proscription était devenue une affaire européenne : elle est prononcée en Autriche en , en Suède en , en Italie en , en Belgique en . Lorsque l’Allemagne fait à son tour ce choix en et annonce la fin du nucléaire sur son territoire en , la France ne veut plus être en reste. François Hollande puis Emmanuel Macron décident d’appuyer à leur tour sur le frein. Ce choix conduit à la fermeture définitive en juin de la centrale de Fessenheim. En même temps, le pouvoir annonce la fermeture de réacteurs d’ici à pour faire passer la part du nucléaire dans notre mix énergétique de à %.
Curieusement, le défi climatique est en train de bousculer cette stratégie. Une évidence s’impose : pour parvenir à nos objectifs de baisse des émissions de carbone, l’éolien et le solaire, certes indispensables, ne suffiront pas. Nos voisins allemands en font la cruelle expérience. Depuis plusieurs mois, les vents y soufflent beaucoup moins que prévu. Résultat, il faut y relancer des centrales à charbon, on ne peut plus polluantes, et y accélérer les importations de gaz, dont les prix s’envolent.
Une évidence, donc, s’impose : le nucléaire, qui ne produit pas de CO, est nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique. C’est la conclusion du très attendu rapport sur les « Futurs énergétiques » remis hier par RTE, le gestionnaire du réseau électrique en France. Il dit clairement que le meilleur scénario pour atteindre notre but suppose une combinaison de nucléaire et d’énergies renouvelables. Il est donc impératif de ne plus foncer tête baissée vers les % de nucléaire, de maintenir ouverts des réacteurs qui devaient fermer et d’en construire de nouveaux. De quoi satisfaire Emmanuel Macron qui, tournant casaque, vient de décider d’investir un milliard d’euros dans la construction de petites centrales, et s’apprête à annoncer la construction de plusieurs EPR, réacteurs de la troisième génération. Il arrive parfois que la raison l’emporte…
« Il est impératif de ne plus foncer tête baissée vers les 50 % de nucléaire »