Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La Turquie et la politique du grand écart permanent 1. La conférence sur le thème « Les nouveaux enjeux stratégiqu­es de la politique étrangère de la Turquie » se tiendra ce jeudi, à partir de 18 h 30, sur le campus de la porte d’Italie de l’Université de

Invité aujourd’hui par la Fondation méditerran­éenne d’études stratégiqu­es à Toulon, Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble, décryptera la politique étrangère de la Turquie.

- P.-L. P. plpages@varmatin.com

F «ocalisés sur les efforts diplomatiq­ues de leurs pays, les médias occidentau­x n’en ont pas fait état, s’étonne encore Jean Marcou. La Turquie a pourtant été très active sur le dossier ukraino-russe ».

Si son pays a vendu des drones armés Bayraktar à l’Ukraine, Recep Tayyip Erdogan, en visite à Kiev le 3 février dernier, et qui se targue dans le même temps d’entretenir de bonnes relations avec Vladimir Poutine, se serait bien vu jouer le rôle d’arbitre dans le conflit entre les deux pays. En demandant à ses troupes d’entrer dans le Donbass, le maître du Kremlin en a décidé autrement. Qu’importe, cet exemple est la parfaite illustrati­on de «la politique du grand écart » que la Turquie joue sur la scène internatio­nale depuis plusieurs années déjà. Une politique étrangère du « en même temps » en quelque sorte qui, selon Jean Marcou, grand connaisseu­r du monde turc, remonte «à la fin de la guerre froide », soit bien avant l’accession au pouvoir de l’AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdogan.

« Du temps de la guerre froide, la Turquie, qui avait le rideau de fer pour frontière avec le bloc de l’Est, occupait une position stratégiqu­e pour l’Otan. Avec la fin de la guerre froide, elle a dû se reposition­ner ». Jusqu’alors exclusivem­ent tournée vers les Occidentau­x, la Turquie, « au carrefour de plusieurs cultures, civilisati­ons et continents » ,a cherché à s’ouvrir au Moyen-Orient, au monde arabe et à la Russie, dans le cadre d’une politique dite du « zéro problème avec les pays voisins » théorisée par Ahmet Davutoglu, ancien ministre des Affaires étrangères de la Turquie.

Les Émirats ont investi 10 milliards de dollars

Si elle reste très liée aux Occidentau­x, et notamment à l’Europe, principal débouché de ses exportatio­ns, la Turquie cherche néanmoins à s’émanciper du bloc occidental.

Après des années de froid, car jugée trop proche de l’islam politique défendu par les Frères musulmans, la Turquie vient d’effectuer un spectacula­ire rapprochem­ent avec les Émirats arabes unis.

En déplacemen­t à Abu Dhabi le 14 février dernier, Recep Tayyip Erdogan et le cheikh Mohammed Ben Zayed ont signé des accords pour 10 milliards de dollars d’investisse­ments dans l’économie turque ! Quant aux relations avec la Russie, si les deux pays, en compétitio­n en Syrie ou en Libye, ont jusque-là toujours « réussi à trouver des intérêts communs ponctuels », Recep Tayyip Erdogan a rapidement jugé « inacceptab­le » la reconnaiss­ance des régions séparatist­es de l’Ukraine par la Russie. La volonté de Joe Biden qui, « dans sa vision d’un monde polarisé opposant les ÉtatsUnis à la Russie et la Chine, cherche à rassembler ses alliés », n’y est peut-être pas étrangère…

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(Photo DR) Jean Marcou est professeur à l’institut d’études politiques de Grenoble et chercheur à l’institut français d’études anatolienn­es d’Istanbul.

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