Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Jusqu’où ira Vladimir Poutine ?

- L’ÉDITO de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Maintenant qu’il est entré sur une partie du territoire de l’Ukraine en annonçant l’annexion des enclaves russophone­s situées à l’est du pays, Vladimir Poutine prolongera-t-il son effort de guerre ? Les Ukrainiens de Kiev, en tout cas, quel qu’ait été leur sang-froid jusqu’à présent, sont en train de mobiliser leurs bataillons, et de rappeler deux cent mille réserviste­s. Comme le monde entier, ils ont appris que Vladimir Poutine pouvait parler de diplomatie le matin et décider la guerre le soir. Difficile désormais de croire en sa parole. Et notamment de juger de ses intentions. Se borner à annexer le Donbass

? Ou pousser ses troupes jusqu’à la capitale ukrainienn­e ? Les sanctions prévues, et graduelles, devraient être plus ou moins sévères, évidemment, selon le choix. Mais inutile de se cacher derrière son petit doigt : elles n’ont pas démontré leur efficacité depuis 2014 et la signature du traité de Minsk. Alors, une action militaire pour défendre l’Ukraine, pour ravager plus encore ce pays fragile et endetté, et pour nous engager nous-même pour cette cause lointaine ? Joe Biden a déjà dit qu’il ne livrerait pas cette bataille. Est-ce aux Européens – qui, pour le moment, démontrent, une fois n’est pas coutume, leur unité –delefaire? Àquelprix? On en frémit.

À vrai dire, le plus surprenant dans cette offensive qu’ont essayé d’empêcher le président français et le chancelier allemand, est l’image que s’est désormais donnée Vladimir Poutine. En réécoutant le discours-fleuve prononcé lundi soir, on y découvre, avec tout ce qu’il y a de paranoïa dans la forme, un véritable tsar, se mettant au niveau historique de Pierre Le Grand. Critiquant autant feue l’Union soviétique que les Occidentau­x. Un véritable discours moyenâgeux, dans lequel il est remonté très loin pour rappeler que, bien avant la Révolution d’octobre 1917, l’Ukraine a appartenu pendant des siècles à la Russie, et que l’URSS est quelque part coupable d’en avoir fait un territoire. Il a même rendu hommage à ses aïeux, non pas ceux du communisme, mais ceux de la vieille, l’éternelle Russie, assurant qu’ils seraient satisfaits de sa décision de jeter au feu les traités internatio­naux signés par ses prédécesse­urs. Bref, Poutine est d’autant plus inaccessib­le désormais qu’il se situe dans sa bulle, isolé des autres pays, en même temps que de ses propres citoyens. Personne n’est désormais en mesure de lui faire entendre la voix de la raison.

Certes, l’Europe a peut-être eu le tort, depuis des années, d’avoir sous-estimé la Russie, se contentant de croire à son déclin définitif. Vladimir Poutine se rappelle à nous. Pour le pire plutôt que pour le meilleur.

« Poutine est d’autant plus inaccessib­le désormais qu’il se situe dans sa bulle, isolé des autres pays, en même temps que de ses propres citoyens. »

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