La cible Macron
Marine Le Pen / Jean-Luc Mélenchon en compétition pour la deuxième place le 10 avril ? La dynamique de leur campagne rend en effet plausible l’interrogation : malgré leur écart d’encore cinq à six points selon les instituts de sondage, le leader de la France insoumise semble profiter à plein de ce qu’on appelle le vote utile. Autrement
dit, quelles que soient les différences – certaines comme la position à l’égard du nucléaire franchement antinomiques – entre socialistes, communistes, écologistes, les électeurs désirant marquer leur appartenance à la gauche manifesteraient l’envie, au tout dernier moment, de reporter leurs voix sur celui qui, d’un bout à l’autre de la campagne, a mené le jeu en tête de son camp. Et cette tendance pourrait se renforcer dans les jours précédant le scrutin.
Marine Le Pen, qui connaît, de son côté, une autre dynamique, ne s’attarde même pas à mettre en pièces le programme de Jean-Luc Mélenchon, il lui suffit d’attirer à elle sans même le chercher les sympathisants d’Éric Zemmour, dont le reflux se fait sentir jour après jour, même après son grand meeting au Trocadéro.
Loin de s’affronter l’un l’autre, c’est évidemment contre Emmanuel Macron que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se tournent ensemble, ne serait-ce que pour nourrir contre lui la polémique de la dernière heure, celle qui pourrait être la plus dangereuse, sur le recours par le gouvernement, entre 2018 et 2021, à des cabinets de conseil, dont l’américain McKinsey. À cette polémique, Emmanuel Macron répond, et c’est le cas, qu’il n’est ni le premier ni le dernier à avoir demandé l’expertise de cabinets extérieurs. Quant à la question subsidiaire que lui posent malignement ses adversaires – McKinsey at-il payé normalement ses impôts en France ? – il répond que les procédures de l’État sont toutes les mêmes depuis longtemps et sous tous les Présidents, et si infraction il y a, ce qui est loin d’être prouvé, elle relève du pénal.
En réalité, ses deux adversaires principaux, de droite comme de gauche, s’entendent comme larrons en foire, non pour dénoncer McKinsey, dont ils savent que le nom même ne dit rien aux électeurs français, mais pour évoquer à nouveau dans les esprits l’image du Président des riches, qui ne craint pas de faire confiance au secteur privé pour réformer le public. Le gouvernement a eu beau, dans ces temps de pandémie, soutenir l’économie « quoi qu’il en coûte » – comme n’aurait peut-être pas osé le faire un gouvernement socialiste – c’est sur le point faible du Président que ses deux poursuivants ont néanmoins choisi de diriger leurs projecteurs.
« Le Pen et Mélenchon s’entendent pour évoquer à nouveau dans les esprits l’image du Président des riches. »