Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Roberto Alagna

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr Al Capone aux Folies Bergères, du 28 janvier au 5 mars à Paris.

Roberto Alagna se présente tout sourire au restaurant Gusti Italiani à Cannes. À défaut d’opéra bouffe, la bonne cuisine italienne. Le chanteur lyrique se mêle aux convives avec une simplicité désarmante. Sans chauffeur ni livrée. Affable à table. Ce ténor-là n’est pas du genre à faire des caprices de diva !

Tel un gladiateur aux arènes de Vérone, il a encore triomphé dans Carmen. « C’était une superbe idée de jouer dans cet endroit-là, qui a une véritable âme. Ce qui me touche, c’est le symbole : là où il y avait des combats, on fait de la musique. » La culture lyrique plutôt que la barbarie antique. Et 20 000 spectateur­s pour l’acclamer dans sa prestation impériale, pouce levé. À Cannes, le chanteur vedette acceptera de prêter voix à un second rôle de cinéma, lui qui refuse habituelle­ment de se brûler aux lumières du 7e art.

« C’est un milieu où l’on attend trop entre deux scènes. Je n’ai pas cette patience-là. »

Il incarnera pourtant Fédor Chaliapine (notre édition du 14 août) dans La Partition cachée de Rachmanino­v, film réalisé à partir d’octobre par le Cannois Jean-Louis Guillermou. « Ce chanteur basse n’a rien à voir avec moi mais je le fais pour donner un coup de main, pour JeanLouis… », souligne-t-il.

Car Roberto est aussi fidèle en amitié. Et pour lui, une dette de coeur prévaut à l’appel du choeur. Jean-Louis Guillermou l’a autrefois aidé à prendre soin de sa mère, en proie à un grave souci de santé. Tout Alagna qu’il est, il ne l’a jamais oublié. Mais c’est pour un défi d’une tout autre envergure que le ténor se prépare, même s’il est censé profiter (un peu) de ses vacances sous un ciel azur. Car lui, l’incorrupti­ble, va devoir endosser le costume du plus célèbre gangster de l’histoire : Al Capone ! Qui plus est dans une comédie musicale, un registre encore inexploré pour accroître le danger. Un spectacle signé de Jean-Félix Lalanne, avec également Bruno Pelletier (Notre-Dame de Paris) pour interpréte­r son ennemi juré, Eliot Ness. Et Angunn pour jouer sa maîtresse. Roberto Alagna feraitil bang bang ! de tout bois ? «Je ne cherche jamais les choses, elles arrivent à moi, toujours au bon moment, rectifie-t-il. Contrairem­ent à ce qu’on peut penser, la comédie musicale ce n’est pas plus léger que l’opéra, il faut apprendre à parler et chanter avec un micro et je n’aime pas ça. Je dois trouver le ton juste pour ne pas sortir du lot, avec mes envolées lyriques, mais j’y travaille », confie celui qui a séjourné à Londres pour assister aux grandes représenta­tions du genre.

Quant au célèbre parrain de Chicago, Alagna n’a en commun que ses origines d’Italien déraciné. Mais à travers Al Capone , le Franco-Sicilien (dont les parents ont migré vers la tour Eiffel plutôt que la statue de la Liberté) entend bien révéler un peu la face cachée de Scarface.

« Je connaissai­s déjà un peu le personnage et, sans l’admirer, j’ai toujours été un peu fasciné par ce grand gangster, qu’il soit interprété par Al Pacino ou De Niro, rapporte Roberto. Là, c’est une fiction où Eliot Ness est amoureux de ma soeur comme dans une sorte de Roméo et Juliette. Al Capone fait parfois preuve de fragilité, laisse tomber le masque, ce n’est pas un assassin caricatura­l. Et d’ailleurs, Elliot Ness est plus violent que lui ! »

Sur certains morceaux, Roberto devra aussi s’exprimer dans la langue de Dante, comme dans

Opéra ou comédie musicale ?

L’opéra reste l’amour de ma vie, et comme je suis quelqu’un de fidèle... L’opéra, c’était mon inaccessib­le étoile !

France ou Italie ?

Toutes les deux… et ni l’une ni l’autre, en vérité. Car lorsqu’on est un enfant issu de l’immigratio­n, on a un peu une troisième nationalit­é qui fusionne les deux, et je suis riche de ça. Et s’il y a match de foot entre les deux nations, je m’en moque, car je gagne à tous les coups ! son album Sicilien dédié à sa grand-mère disparue. « Dans la famille, elle était la seule à ne parler qu’italien, c’était mon dernier lien avec l’île. » Entre France et Italie, pas question de choisir sa voix. Comme entre une tomate burrata et la pasta au poulpe, servies par Antonio Ballone, le patron du Gusti.

Autrefois timide à ne pas piper mot, c’est par le chant que le petit Roberto a très tôt trouvé son souffle. Et il n’oublie pas que c’est dans un autre restaurant italien que ce talent singulier s’est forgé un destin. « J’ai un jour accompagné un copain pizzaïolo chez un patron sicilien à Paris. Quand ce dernier m’a entendu chanter, il a débouché le champagne et m’a embauché sur-lechamp ! »

La suite s’écrira avec la bénédictio­n du grand Luciano Pavarotti. Et une formidable carrière, aux grands airs d’héritière.

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