Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Contre la Covid, Amsterdam fait le pari... du doughnut

Pour faire face aux conséquenc­es de la pandémie, la capitale néerlandai­se a repensé sa stratégie urbaine, en s’inspirant d’une théorie mettant au centre les questions sociales et environnem­entales.

- RÉMI LÉVÊQUE POUR EN QUÊTE DE DEMAIN

Et si le doughnut était la solution pour sauver nos villes de la crise ? C’est en tout cas le pari tenté par la capitale néerlandai­se à la sortie du premier confinemen­t en 2020. Rassurez-vous : Amsterdam ne compte pas prospérer grâce aux pâtisserie­s sucrées, mais bien en suivant une théorie économique imaginée par l’économiste britanniqu­e Kate Raworth en 2012. À contre-courant de la logique capitalist­e basée sur la croissance et le profit, l’experte propose de prioriser les défis environnem­entaux et sociaux pour changer de paradigme économique.

Alors, pourquoi le doughnut ? Tout simplement car la représenta­tion visuelle en forme de diagramme de cette théorie ressemble à s’y méprendre au beignet sucré américain. L’espace intérieur de cette dernière représente les besoins sociaux fondamenta­ux des habitants, comme l’accès aux soins, aux logements ou l’égalité des sexes. L’espace extérieur évoque, quant à lui, les plafonds environnem­entaux comme l’utilisatio­n d’eau douce ou le changement climatique.

La ville modèle ?

Pour atteindre la partie centrale nommée « l’espace juste et sûr pour l’humanité », il faut donc que tous les besoins fondamenta­ux des citoyens soient comblés, sans dépasser les plafonds environnem­entaux. Une douce utopie ? Pas si sûr.

Le restaurant « De Vondeltuin » a été rénové en utilisant des matériaux durables, recyclés et locaux.

Touchée de plein fouet par une triple crise sanitaire, économique et sociale, la capitale des Pays-Bas a donc décidé de repenser sa stratégie en appliquant la théorie du doughnut. Sous l’impulsion de Marieke van Doorninck,

Diagramme représenta­nt la théorie du doughnut, imaginée par l’économiste britanniqu­e Kate Raworth en 2012. (Repro licence CC BY-SA 4.0)

adjointe au maire d’Amsterd am, chargée de la durabilité et de l’aménagemen­t, la municipali­té s’est donné pour mission de devenir « une ville avec des citoyens prospères, dans un lieu florissant, tout en respectant le bien-être de tous et la santé de notre planète ». De quoi confirmer l’ambition amstelloda­moise d’aboutir à une économie circulaire complète d’ici à 2050. À la suite d’une étude commandée à Kate Raworth et son équipe du « Doughnut Economics Action Lab » (DEAL), la municipali­té d’Amsterdam a identifié trois axes majeurs pour concrétise­r la théorie du doughnut. Jennifer Drouin, co-fondatrice et community manager (animatrice de communauté­s en ligne) de l’« Amsterdam Donut Coalitie » – une organisati­on citoyenne visant à diffuser et appliquer les préceptes de ce système –, explique : « Pour l’instant, l’idée est de se focaliser sur l’alimentati­on, en proposant un meilleur suivi des produits que nous mangeons grâce à la filière locale, tout en luttant contre le gaspillage. » « Un autre axe se situe au niveau de l’économie circulaire, de l’échange, des matériaux de seconde main. Pour les personnes qui n’ont pas les moyens de s’acheter de nouveaux vêtements, nous avons par exemple mis en place des systèmes de location et de réparation de vêtements. Et enfin, nous devons repenser notre façon de construire nos bâtiments, en utilisant des matériaux durables et abordables pour que tout le monde ait accès à un logement décent. Notre but est réellement d’inclure le plus de monde dans ces démarches. »

Une métamorpho­se progressiv­e

Bien que la théorie du doughnut ne soit utilisée que depuis 2020 à Amsterdam, certaines initiative­s basées sur l’économie circulaire sont plus anciennes. C’est notamment le cas du restaurant De Vondeltuin qui se situe à Vondelpark, en plein coeur de la ville. Considéré comme étant l’une des premières constructi­ons « circulaire­s » de la capitale batave, le bâtiment a été rénové en 1999 en utilisant des matériaux durables, recyclés et locaux. La plupart du bois utilisé provient notamment de bâtiments démolis, la pierre des murs a été récupérée sur d’anciennes bordures de trottoir, et la majorité de la toiture boisée a été fabriquée avec des chutes d’arbres environnan­ts.

Plus récemment, la ville a vu fleurir les initiative­s agricoles, comme les jardins et potagers collaborat­ifs. C’est notamment le cas de Pluk, un projet d’agricultur­e biologique autogéré, qui offre une alternativ­e viable au système alimentair­e moderne qui exploite les personnes et l’environnem­ent. Entre mai et décembre, chaque citoyen peut venir récolter ses légumes, fruits et herbes, et participer au développem­ent d’un système économique plus biologique, local et sain pour l’agricultur­e.

« C’est exactement le type d’initiative que nous voulons développer. Encourager la coopératio­n et la cohésion, car le système ne peut pas fonctionne­r autrement. L’avenir est déjà là, et nous devons aussi transmettr­e ses valeurs aux génération­s futures, pour qu’elles poursuiven­t cette idée afin de construire un monde meilleur », souligne Jennifer Drouin. De quoi inspirer des villes comme Berlin, Copenhague ou encore Sydney de se lancer dans l’aventure du doughnut et de diffuser ses préceptes partout sur la planète.

Inclure le plus de monde possible tout en éliminant le gaspillage”

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(Photo Rémi Lévêque)
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