Jean-François Cousineau : la foi dans l’espéranto
Installé à Lorgues depuis peu, J.-F. Cousineau est passionné par les langues. Plus que de défendre le langage universel qu’est l’espéranto, il milite pour un mode de pensée humaniste.
‘‘ Avec une langue hégémonique, on uniformise la pensée”
Le moins que l’on puisse dire, c’est que lorsqu’on parle d’espéranto avec Jean-François Cousineau, il n’avale pas sa langue. C’est même plutôt la langue qui l’a avalé… À 64 ans, ce globe-trotter Lorguais, retraité d’un service départemental de protection de l’enfance, en est l’un des fervents défenseurs. L’espéranto est un langage international universel fondé en 1887 par un docteur polonais. Ceci autour du principe philosophique suivant : « Unir les hommes progressivement, sans les couper de leurs racines, en une seule humanité basée sur des principes de “neutralité’’ linguistique, morale et religieuse, et dans un esprit de justice, d’égalité et de fraternités mutuelles. » Vaste programme.
« Une haute idée de la communication »
« Aujourd’hui, on estime que deux millions de personnes l’utilisent dans près de 130 pays, détaille le Lorguais. L’espéranto, c’est une autre idée de la communication, c’est même une haute idée de la communication. » Mais plus encore, pour le passionné, c’est « une langue équitable, accessible à tout le monde par sa simplicité. » Depuis toujours, l’homme aime les langues, « pour leur dimension culturelle, parce qu’elles permettent de s’imprégner d’autres modes de vie. » Comprendre que les langues sont des portes d’entrée pour appréhender le système de pensée de l’autre. Quand à 26 ans, il tombe sur une méthode d’apprentissage d’espéranto, il n’en a alors jamais entendu parler, mais ça l’intrigue. « J’ai trouvé le système génial. Il suffit d’apprendre une racine, et on est capable de fabriquer une cinquantaine de mots, sans avoir à les apprendre. »
De fil en aiguille, il assiste à son premier congrès mondial à Valence en 1993. Et face à des milliers de personnes en provenance du monde entier, face à la même passion et au même idéal, il a le déclic et se lance.
« L’espéranto est formé à peu près 60 % de racines gréco-latines, de 35 % de racines anglo-saxonnes, et de 5 % de racines slaves, poursuit-il. Lorsqu’on utilise une langue, le sens des mots peut être compris différemment en fonction de sa culture propre. Par exemple, au Pérou, si vous dites : “Votre repas n’était pas mauvais’’. Ce sera très mal perçu. En espéranto, ce problème n’existe pas. Les mots ont un sens très précis pour faciliter une compréhension commune. »
Mais au-delà de tout cela, l’espéranto, c’est aussi un idéal. « Guy Béart disait : “l’anglais, c’est la langue du pognon. L’espéranto, celle de l’amour’’. Parce que lorsqu’une langue devient hégémonique – comme l’anglais, actuellement –, elle a tendance à faire disparaître les langues minoritaires. On va donc vers une uniformisation de la pensée. D’autant qu’un rapport dominant/dominé s’instaure entre ceux qui maîtrisent ou non cette langue dominante. » A contrario, avec l’espéranto, l’idée est de partir du principe qu’il n’y a pas de frontières, mais une seule et même humanité. «D’où la création d’une langue commune pour communiquer et se comprendre. Tout en conservant les langues de chacun en tant qu’identité culturelle. »
Car pour le Lorguais, nous vivons dans une société trop individualiste. « Nous sommes trop centrés sur nous-même, en tentant d’imposer un modèle européen et une vision des choses que tout le monde doit suivre. Pour moi, c’est une aberration. On a besoin de mieux connaître l’autre. Pour cela, il faut accéder à sa culture. Et l’espéranto le permet, sans intérêt hégémonique. »