Ces 44 mineurs reviennent de l’enfer
Ils s’appellent Bala, Nabaria, Maïmounia, Maebel ou encore Hanness. Les uns viennent de Gambie, les autres d’Érythrée ou du Mali. En tout, ils sont quarantequatre recensés mineurs non accompagnés (MNA), quarante garçons et quatre filles âgés de 12, 13 ou 16 ans pour la plupart. Leur point commun : un périple d’une vingtaine de jours à bord de l’Ocean Viking, qui les a secourus au large de la Libye. La fin du cauchemar ? Depuis hier en fin d’après-midi, ils ont retrouvé un toit provisoire, à l’hôtel Aux trois Mûriers situé à Toulon. C’est le Département qui en a la charge. 17 h 30, le premier groupe (trois frères et une soeur) arrive en voiture du centre de vacances de la presqu’île de Giens, où ils ont été interrogés par la police et les douanes. Chacun porte un sacpoubelle avec ses affaires personnelles et un cabas, contenant un kit « d’hygiène et de bienêtre ».
Jean-Louis Masson, le nouveau président du Var, est là pour les accueillir. Tout comme une dizaine de fonctionnaires volontaires, dont deux médecins qui seront particulièrement sollicités pour des maux de tête. « Surtout dûs au stress et au manque de sommeil, précise l’un d’eux. Ils ont besoin de repos. »
Deux des premiers arrivants, masque FFP2 sur le visage, sont complètement hagards. L’atmosphère est pesante. L’organisation encore hésitante. Le grand frère Bala, un Malien de 16 ans portant un T-shirt de l’équipe de Toronto de NBA, parle quelques mots de français appris à l’école. Le dialogue est succinct. « Vous avez faim ? Vous avez soif », leur demande Caroline Serre, directrice de l’action sociale du Var.
« Restaurer un morceau de dignité »
Dans la foulée, ils sont conduits dans l’une des trente chambres disponibles, propres et sommaires, TV et sanitaires compris. «Ne les prenez pas en photo s’il vous plaît, ils reviennent de l’enfer », lâche une accompagnatrice sociale.
« Ils vont pouvoir retrouver une forme de sérénité et restaurer des morceaux d’intimité dont ils ont été privés, glisse une des deux psychologues. Pour l’instant, ils baissent le regard, il y a de la honte. À nous de les valoriser, de les aider à s’humaniser après les
Encore hagards mais soulagés, les premiers mineurs non accompagnés sont hier arrivés à l’hôtel à Toulon.
choses atroces qu’ils et elles ont vues et vécues. » Dans la salle d’accueil, qui servira également de salle de repas, Jean-Louis Masson échange avec son staff. « C’est vraiment émouvant, là, confie cet ancien gendarme. On ne parle pas politique, ni problème migratoire. Aujourd’hui, nous sommes dans l’humain, face à des enfants en détresse, choqués. »
Un autre groupe de MNA se présente. Des Érythréens, cette foisci. Leurs sourires contrastent avec la scène précédente. On les voit même rigoler. « Ça fait du bien de voir que la France, terre de la liberté, permet ça », glisse Caroline Depallens, en charge de l’enfance au conseil départemental, les larmes aux yeux. Plusieurs équipes se relaieront jour et nuit auprès de ces MNA, en attendant leur examen biologique et les radios pulmonaires qui attesteront de leur minorité. Ainsi qu’un bilan gynécologique pour les filles. Et un vaccin obligatoire pour tous,