Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Migrants : à Vintimille, les Italiens exaspérés

De l’autre côté de la frontière, les critiques françaises après le refus du gouverneme­nt italien d’accueillir l’Ocean Viking passent mal. Vintimille est confronté tous les jours à l’arrivée de migrants.

- MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Effet boeuf. Prononcez les noms « Meloni » et « Macron » au marché couvert de Vintimille : vous ne passerez pas inaperçu. Au lendemain de l’arrivée de l’Ocean Viking à Toulon, les tensions franco-italiennes ne laissaient pas de marbre, hier. En tançant le refus de Rome d’accueillir les 230 migrants secourus par « SOS Méditerran­ée », Paris ne s’est pas fait pas que des amis… (1)

« On ne peut pas être la piazza de la migration, il faut arrêter ! », lance Dimitri derrière son stand, sous les halles, en allumant sa cigarette. Quinze ans que le commerçant propose agrumes et piments aux clients dans la ville frontière : « Où est la solidarité européenne ? La situation empire, et on voit la France se scandalise­r pour un bateau ? Mais regardez ce qu’il se passe en Italie depuis des années ! »

« Meloni ? Perfecta ! »

Son regard se tourne vers la gare, où carabinier­s et migrants cohabitent à quelques mètres. Des petits groupes épars qui tuent le temps en attendant une prochaine tentative. Une présence jugée dérangeant­e par certains habitants, qui ne cachent pas avoir glissé un bulletin dans l’urne pour Fratelli d’Italia lors des élections législativ­es de septembre (2). « Meloni ? Perfecta ! », lance un brocanteur suivi par sa compagne, Josy : « La nuit, je ne vais pas dehors. Je ne me sens pas en sécurité. Regardez dans mon sac, je ne prends pas beaucoup d’argent, on ne sait jamais… » Évidemment, pour ces électeurs, le refus catégoriqu­e d’ouvrir un port de la Péninsule est vécu comme un soulagemen­t, un « coup de poing sur la table ».

« Nous, on ne se mêle pas de ça… »

Pour autant, ce parti pris ne fait pas l’unanimité dans les allées. « Ne nous parlez pas de ça », bougonnent deux fleuristes en pleine compositio­n : « Il ne vaut mieux pas qu’on dise ce que l’on en pense, ici. » Même refus catégoriqu­e d’un vendeur devant un jardin de plantes en plastique. Il chuchote : « On ne se mêle pas de ça, nous… »

Des discours plus modérés ? Oui, on en trouve. Il suffit de saluer Romano devant son étal de montres et antiquités. Philosophe, il ne donne pas dans l’emphase concernant la présidente du Conseil des ministres : « Il est encore trop tôt pour juger de sa politique. Il faut voir les effets d’ici quelques mois. De son côté, Macron n’a pas eu une situation facile à gérer. » L’effet ping-pong n’a rien de glorieux pour Vanessa, 21 ans : « Làdedans, tout le monde a tort. Parce que c’est à l’Europe de prendre des vraies décisions. Il y a de quoi avoir honte, surtout, parce qu’on parle d’humains avant tout. »

1. Pour rappel, 175 d’entre eux seront accueillis en Allemagne, en Bulgarie, en Croatie, à Malte, au Portugal, en Finlande, en Norvège, en Irlande, au Luxembourg, en Roumanie et en Lituanie.

2. Le parti de Giorgia Meloni est arrivé en tête également en Ligurie.

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(Photo Cyril Dodergny) Au Mercato dei fiori, on ne comprend pas la réaction française. « Où est la solidarité européenne ? Regardez ce qu’il se passe en Italie depuis des années ! »

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