Pour Trump, gare à l’étiquette de « loser »
Ainsi va la politique : le monde entier s’attendait à une défaite cuisante de Joe Biden aux élections de mi-mandat américaines dont on vient à peine, une semaine plus tard, d’avoir, à un siège près (celui de Géorgie), les résultats. Le revers du camp démocrate était dans tous les esprits, à Moscou comme à Washington, à Paris comme à Berlin. Mais la vague rouge n’a pas déferlé sur les États-Unis. Les républicains semblent bien sur le point de gagner la Chambre des représentants, mais les démocrates ont conservé la majorité au Sénat. C’est Donald Trump qui a perdu la bataille. Trump, perdre ? Avec ses casquettes rouges, sa grande gueule, ses milliards, ses fabuleuses résidences, ses claques bienveillantes sur les épaules de ses partisans, son large sourire, toujours à la limite de la provocation, ses meetings à toute allure, ses partisans qui continuent à contester, comme lui-même, son échec d’il y a deux ans, il semblait n’avoir plus qu’une formalité à faire avant de se réinstaller à la Maison-Blanche : se représenter.
À tout seigneur, tout honneur. Trump s’était mis en première ligne : c’est à lui qu’une grande partie des républicains et de leurs leaders, frustrés de leur victoire, s’en prend désormais. Dans le Parti républicain divisé, beaucoup pensent, tout bonnement, que si Trump s’était abstenu de prendre part au combat électoral, ils auraient plus facilement, sans lui, gagné la partie. Une preuve qui n’a échappé à personne : les candidats qu’il avait lui-même imposés à l’état-major de son parti, les plus fidèles, les plus proches de lui, ont été battus par des électeurs certes restés républicains, mais qui ne pensent plus que ce que dit Trump est parole d’évangile. Qui ne veulent pas des extrêmes et ne souhaitent pas voir les États-Unis s’engager, comme ils pourraient le faire si on les y poussait trop vivement, dans une guerre civile larvée.
En faisant connaître, avant le vote, son désir de se représenter dans deux ans, il a hystérisé plus encore le combat. En réalité, ses outrances font peur à ses électeurs plus qu’elles ne mobilisent ses militants les plus proches. Sans la présence de Donald Trump, les grandes figures du Parti républicain auraient attaqué frontalement Joe Biden sur l’inflation, sur l’immigration, et auraient porté des coups très lourds à la présidence démocrate. Mais dès que Trump a polarisé sur lui les débats, alors il a été surtout question, dans la campagne, de la cour suprême ultra-conservatrice mise en place par l’ancien Président avant son départ, et de la remise en cause des libertés, dont celle, soutenue par nombre de femmes américaines, de l’avortement. En devenant, par sa seule présence, le personnage central des élections de mi-mandat, tandis que Joe Biden paraissait, par comparaison, bien peu dangereux, Trump a perdu lui-même un scrutin où il avait intérêt à se faire oublier.
« En réalité, ses outrances font peur à ses électeurs. »