Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Pour Trump, gare à l’étiquette de « loser »

- de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Ainsi va la politique : le monde entier s’attendait à une défaite cuisante de Joe Biden aux élections de mi-mandat américaine­s dont on vient à peine, une semaine plus tard, d’avoir, à un siège près (celui de Géorgie), les résultats. Le revers du camp démocrate était dans tous les esprits, à Moscou comme à Washington, à Paris comme à Berlin. Mais la vague rouge n’a pas déferlé sur les États-Unis. Les républicai­ns semblent bien sur le point de gagner la Chambre des représenta­nts, mais les démocrates ont conservé la majorité au Sénat. C’est Donald Trump qui a perdu la bataille. Trump, perdre ? Avec ses casquettes rouges, sa grande gueule, ses milliards, ses fabuleuses résidences, ses claques bienveilla­ntes sur les épaules de ses partisans, son large sourire, toujours à la limite de la provocatio­n, ses meetings à toute allure, ses partisans qui continuent à contester, comme lui-même, son échec d’il y a deux ans, il semblait n’avoir plus qu’une formalité à faire avant de se réinstalle­r à la Maison-Blanche : se représente­r.

À tout seigneur, tout honneur. Trump s’était mis en première ligne : c’est à lui qu’une grande partie des républicai­ns et de leurs leaders, frustrés de leur victoire, s’en prend désormais. Dans le Parti républicai­n divisé, beaucoup pensent, tout bonnement, que si Trump s’était abstenu de prendre part au combat électoral, ils auraient plus facilement, sans lui, gagné la partie. Une preuve qui n’a échappé à personne : les candidats qu’il avait lui-même imposés à l’état-major de son parti, les plus fidèles, les plus proches de lui, ont été battus par des électeurs certes restés républicai­ns, mais qui ne pensent plus que ce que dit Trump est parole d’évangile. Qui ne veulent pas des extrêmes et ne souhaitent pas voir les États-Unis s’engager, comme ils pourraient le faire si on les y poussait trop vivement, dans une guerre civile larvée.

En faisant connaître, avant le vote, son désir de se représente­r dans deux ans, il a hystérisé plus encore le combat. En réalité, ses outrances font peur à ses électeurs plus qu’elles ne mobilisent ses militants les plus proches. Sans la présence de Donald Trump, les grandes figures du Parti républicai­n auraient attaqué frontaleme­nt Joe Biden sur l’inflation, sur l’immigratio­n, et auraient porté des coups très lourds à la présidence démocrate. Mais dès que Trump a polarisé sur lui les débats, alors il a été surtout question, dans la campagne, de la cour suprême ultra-conservatr­ice mise en place par l’ancien Président avant son départ, et de la remise en cause des libertés, dont celle, soutenue par nombre de femmes américaine­s, de l’avortement. En devenant, par sa seule présence, le personnage central des élections de mi-mandat, tandis que Joe Biden paraissait, par comparaiso­n, bien peu dangereux, Trump a perdu lui-même un scrutin où il avait intérêt à se faire oublier.

« En réalité, ses outrances font peur à ses électeurs. »

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