Le Cannet : le dealer braqué dans sa chambre d’hôtel
Trois hommes ont été condamnés à des peines de 3 à 5 ans d’emprisonnement pour avoir volé l’argent et la drogue d’un trafiquant, qu’ils ont violenté.
Dans l’anonymat de sa chambre d’hôtel Formule 1 au Cannet-des-Maures, Sami B. rêvait peut-être d’un destin à la Rick Rubin, célèbre producteur de rap américain des années 1980. À moins qu’il ait trouvé, entre la voie ferrée et l’échangeur autoroutier, la quiétude idoine pour s’adonner au trafic de stupéfiants. C’est en tout cas pour produire de la musique, assure-t-il, qu’il avait plusieurs milliers d’euros en liquide sur lui et qu’il avait rendez-vous avec Anas Mobtakir ce 18 janvier 2021 vers 23 heures. « On devait se voir pour discuter d’un clip et d’un disque à venir, explique le jeune homme à la barre du tribunal correctionnel de Draguignan. On était déjà allé dans un studio au Luc. Je devais investir environ 2 500 euros pour le produire. »
Blessé à la tête avec la crosse d’un pistolet
Mais le parquet dracénois n’a pas l’oreille musicale. Et la petite chanson de Sami n’a guère convaincu les enquêteurs. Plus pragmatiques, ils ont vu dans l’agression, dont il a été victime, le sordide braquage d’un dealer de résine de cannabis par un « ami » – rappeur à ses heures perdues – et deux de ses proches. Sous la violence des coups portés à la tête, la crosse du pistolet qui servait à le frapper s’est brisée. À l’issue de ce déferlement de violence, sauvé par deux clients de l’hôtel alerté par ses cris, Sami a perdu l’usage d’une phalange de la main droite.
« La veille, en allant lui acheter de la fumette, j’avais vu qu’il avait trois kilos de résine sur lui, avoue Anas. Du coup, j’ai voulu le voler. J’en ai parlé à des amis au boulodrome du Luc. Le lendemain, j’y suis retourné pour finir de régler l’achat de la veille. En réalité, je devais prendre le shit et repartir. Je ne sais pas pourquoi les autres sont venus. Ils étaient cagoulés et gantés. Ils l’ont agressé avec une arme à feu. Moi, j’ai pris le sac et je suis parti. »
« En prison sur des suppositions »
Le prévenu n’en dira pas plus. Et ne donnera certainement pas le nom de ses complices. Tout juste concède-t-il, mis devant les images de vidéo-surveillance du parking de l’hôtel, s’être rendu sur place avec Sonny Gimenes. « Je l’ai conduit làbas, mais je suis resté dans la voiture, reconnaît ce dernier. Je savais qu’Anas fumait, donc pour moi il allait simplement se fournir en cannabis. Mais je l’ai vu revenir tout affolé. »
Si les investigations ne permettent pas de confirmer la présence dans la chambre de Sonny, une trace ADN découverte sur une cannette de soda incrimine son grand frère, Tony. Au grand désarroi de celui-ci.
« Je ne me suis jamais rendu dans cette chambre ! Au moment des faits, j’étais à Toulouse avec mon cousin. Je ne comprends pas mes 17 mois de détention provisoire. On met les gens en prison sur des suppositions. »
Et si la téléphonie, autre élément à charge, place Sonny et Tony côte à côte toute la soirée, c’est qu’il y a une raison toute... particulière. «Je n’avais pas de téléphone attitré, explique Tony. J’en utilisais un avec mon frère, qui me servait surtout à appeler mes différentes maîtresses... C’est Sonny qui le gardait car je ne voulais pas que ma femme tombe dessus...»
Le tribunal dépasse les réquisitions
Selon son avocat, Me Julien Pinelli, cela peut expliquer pourquoi les deux téléphones ont été coupés quasi simultanément, « sans doute par Sonny après les faits ». « Quand il a vu dans quel état était son ami, il a pu décider de couper les téléphones pour ne pas être inquiété. »
« La trace biologique, elle, peut très bien être un simple ADN de contact, développe Me Patrick Giovannangeli. Tony a pu poser la cannette dans la voiture la veille, cannette qui a fini dans la chambre de la victime. C’est quand même incroyable que ce soit la seule trace ADN découverte sur les lieux ! Tony, dans la bagarre, aurait pris le temps de toucher cet objet ? »
Autant d’arguments qui ne convainquent pas le tribunal. Celui-ci va même au-delà des réquisitions de la procureure Laurence Barriquand, en condamnant Anas Mobtakir et Sonny Gimenes à trois ans d’emprisonnement. Tony Gimenes, au casier judiciaire plus étoffé, écope de cinq ans d’emprisonnement. Sami, lui, endosse à la fois le costume de partie civile et de condamné. Reconnu coupable de trafic de stupéfiants, il devra porter un bracelet électronique pendant les douze prochains mois.