Dans la rue,
Le pouls des futurs médecins s’emballe
Ils n’ont pas le matos de la CGT : pancartes en carton et mégaphone qui n’a rien de méga. Mais peu importe, ils ont la gnaque. Et l’envie de défendre ce métier-sacerdoce pour lequel ils sacrifient une partie de leur jeunesse.
« Moins bien payés qu’une machine à café », « Formation en déclin, suivi des patients incertain », « Fraternité, égalité, liberté… de s’installer » : les étudiants en médecine de Nice ont manifesté, hier midi, place Masséna. Ils étaient environ 250, blouse blanche sur le dos, surmotivés, pour dénoncer le projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2023, le PLFSS. En particulier l’ajout d’une quatrième année d’internat qui doit être effectuée « en priorité dans des zones où la démographie médicale est sous dense », mais pas seulement. «Ily a une trentaine d’amendements coercitifs », entame Arthur Magomedkhadjiev, 22 ans, étudiant en DFGSM 3 – troisième année – à la fac de médecine de Nice. Faire sa 4e année dans une zone « sous dense » ? « Ce n’est pas encore écrit que c’est obligatoire, c’est une incitation en 100 % ambulatoire, [pas à l’hôpital donc, Ndlr], mais dans un amendement, il est demandé que l’incitation devienne une obligation. Et ça, c’est non », ajoute le jeune homme également vice-président en charge de la représentation nationale et locale de la Corporation des Carabins Niçois, la C2N.
Pire, précise Frédéric Wakim, même année, même fonction à la C2N, « cet amendement souhaite que cela ne touche pas seulement la médecine générale mais s’étende aux spécialités ». Une incitation à aller exercer dans un désert médical, pourquoi pas, disent les futurs médecins. Mais, pas comme ça. « Il faut une prime, des solutions d’hébergement, de transport. De vraies indemnités, pas des indemnités symboliques », disent en choeur les deux jeunes gens. «On peut avoir un conjoint, une famille, il faut le prendre en compte », renchérit Sophie, en 4e année.
« Stop au mépris du gouvernement »
Sur la place Masséna, le groupe s’organise. « On n’avait pas prévu de bloquer le tram », s’excuse un étudiant qui rejoint ses camarades sur les rails. « Médecins méprisés, les patients sont en danger », entonnent-ils, avant un court sit-in et une minute de silence. Le tram peut repartir, la pause n’aura duré qu’une petite dizaine de minutes. Et si le conducteur du tram râle, pas les passants, solidaires de tous ces jeunes qui les soigneront peut-être un jour.
Autre problème pour ces étudiants, le fait que cette 4e année soit présentée comme « formatrice ». De la poudre aux yeux, dénoncent-ils. « Il n’y a pas assez de maîtres de stage, alors je vous laisse imaginer en zone sous dense », se désole Arthur. Qui pose également la question de la rémunération et du statut de l’interne : « Comment rémunérer cette quatrième année, alors que l’étudiant a passé sa thèse l’année d’avant ? ».
Anne, debout sur un banc de la place Masséna agite son slogan : « Moins bien payé à l’heure qu’un parcmètre », franchement en colère : « Alors qu’on serait en droit d’ouvrir notre propre cabinet médical et commencer notre patientèle, on nous demanderait de faire encore des efforts ? Ils ne se rendent pas compte. Stop au mépris du gouvernement ». D’autant, précise Frédéric Wakim, « qu’il serait judicieux de commencer par réaliser un état des lieux des déserts médicaux ». « C’est 87 % du territoire français », ajoute-t-il. Judicieux aussi de poursuivre l’augmentation du numerus clausus. « Les déserts médicaux, c’est davantage un problème de nombre que de répartition », assènent d’autres étudiants.